Escape-Ism / Introduction to Escape-Ism
[Merge Records]

8.2 Note de l'auteur
8.2

Escape-Ism - Introduction to Escape-IsmIan Svenonius dans son plus simple appareil : c’est ainsi qu’on pourrait présenter cet album remarquable, troussé en à peine 30 minutes, par l’ancien leader des Nation of Ulysses, de Make Up et plus récemment (le groupe est toujours en activité) Chain & The Gang. Svenonius est l’un de nos héros depuis vingt ans. Il ne faut pas le cacher et ce n’est pas avec de tels disques qu’il va gâter son statut. Premier album solo de l’Américain, Escape-ism est à la fois un tour de force et une audacieuse curiosité.

Tour de force car Svenonius y prend le risque de monter seul au front, seulement accompagné tout du long d’une boîte à rythmes minimaliste et de quelques effets spéciaux. Fi des guitares, de la batterie et de la basse magistrale qui soutenaient ses plus grandes heures, Svenonius, dans sa volonté d’explorer la mécanique secrète du rock, finit avec cet album de désosser le moteur. Il n’en laisse que l’essentiel, à savoir une pulsation primitive et la voix d’un chanteur mi-funk, mi-punk qui halète, chantonne, affirme en ayant toujours l’air d’avoir raison ou de sortir de la douche en pyjama après une nuit d’amour. Côté musique, Escape-ism rappelle au choix les premiers The Fall, le novo rock de 69 dans l’Hexagone ou la défiance souveraine d’Alan Vega. Les crépitements électro raviront les fans de LCD Soundsystem, tandis que le chant incroyablement cabotin et brillant de Svenonius devrait lui attirer les faveurs des fans de Prince et de la galaxie funk, Ecole stonienne comprise.

Le résultat de tout ça est une collection de 9 titres superbement emballée et dominée par quelques titres immédiatement séduisants et irrésistibles comme le fantastique Rome Wasn’t Burnt in A day, entêtant et, disons-le, un peu génial sur les bords. L’entame, Walking In The Dark, est tout aussi audacieuse, crépitante d’électricité et de sensualité contenue. Il faut un sacré cran pour y aller comme cela d’emblée et sans ciller. L’assurance de Svenonius est remarquable comme s’il réinjectait dans ce disque simplissime et lo-fi près de trente ans d’activisme punk rock dans une synthèse squelettique. Les textes renvoient à cette idée du retour aux fondements de la création, à l’exemple de Lonely at The Top, situation ambigüe où l’on ne sait pas si le type reclus dans sa chambre qui s’adresse à nous est un doux dingue ou une star enfermée dans une folie naissante. Les trois minutes du morceau se chargent progressivement d’une sorte de suspense maniaque dont on sortira (malheureusement/heureusement) sans la solution. Plus loin, c’est la pop culture qui en prend pour son grade sur Almost No One (can have my love), formidable morceau qui déplore la facilité de devenir une star, de faire un disque et de décrocher son heure de gloire, tandis que l’amour du narrateur lui ne s’exprime que dans la rareté et l’exception. Le titre rappelle Prince, Morrissey ou Presley au choix, ces grandes figures de l’amour sanctifié et vécu comme une offrande. De bout en bout, Svenonius s’amuse, expérimente et poursuit sa brillante leçon de choses rock, grand prêtre à la science infinie et à la séduction digne d’un gourou californien. They Took The Waves ressemble à un cours d’écriture de chansons pour les nuls, avant qu’on ne s’achemine sur un final magistral. I don’t remember You est avec Rome notre morceau préféré. Il s’agit d’un titre de folk rock dépouillé et sous-chanté, sur lequel on retrouve, pour la seule fois ici, un gratouillage de guitare. Les mots sont cruels mais l’émotion est là, faussement triste comme celle du salaud qui explique à son coup d’un soir qu’il ne la reverra pas. Crime Wave Rock enfonce le clou avec une électro pop fulgurante et hypnotique. « It s a crime/ It’s a sin/ that music you’re playing/ every note breaks a lot/ A criminal offense in every goddam sort, yeah !» Le propos convient aussi bien pour disqualifier la merde que pour inciter aux musiques de contrebande. C’est du grand art.

C’est dit et lorsqu’on connaît le goût de l’intéressé pour les chansons manifestes, ce n’est guère la peine d’en rajouter. Escape-ism est le travail d’un bandit de grand chemin et de voyou des cimes. Svenonius est l’un des derniers géants du rock underground toujours en activité.

Tracklist
01. Walking in the dark
02. Lonely At The Top
03. Rome Wasn’t Burnt in A Day
04. Iron Curtain
05. Almost No One (Can Have My Love)
06. They Took The Waves
07. The Stars Get In The Way
08. I Dont Remember You
09. Crime Wave Rock
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