Dans les années 90, c’était monnaie courante. Aujourd’hui, moins. Un groupe anglais, forcément adoubé par le NME, devient la next big thing alors que personne n’a encore entendu le moindre morceau. À l’époque, une fois la chose posée sur la platine, l’album plaisait pour deux ou trois singles avant de mordre la poussière (n’est-ce pas Shed Seven, Northern Uproar, Gene et tant de groupes mineurs logiquement oubliés ?).
Sauf que dorénavant, la hype punk / grandes gueules se fait rare. Ce qui oblige l’auditeur à placer son scepticisme aux oubliettes. Et sans doute les « coups » d’une semaine finissent-ils, malgré l’arnaque, par nous manquer un peu.
Shame est ainsi le premier groupe anglais depuis les Arctic Monkeys à exploser les compteurs du buzz. Et bien entendu, leur album initial (Songs of Praise) ressemble exactement à ce que nous pouvions espérer ou redouter : la rapidité Wire, la colère The Fall, la frime Oasis, auxquels s’ajoutera cette soudaine propension anglaise à déblatérer autant de mots que la musique comporte de notes (sillage Mike Skinner, Alex Turner).
S’il faut reconnaître à Shame un certain sens de l’adrénaline (ça envoie du lourd), ainsi qu’un charismatique leader nommé Charlie Steen (aux impeccables phrasés hurlés), Songs of Praise finit bien vite par nous barber. Qu’importent les influences, qu’importe l’héritage inconscient. Le problème de Shame est d’ordre testostérone. Le groupe joue vite et bien, mais il ne carbure qu’à la frustration dégueulée. Tout dire, tout balancer, comme si cet album était déjà le dernier (peu probable, au demeurant). Shame oublie ainsi de canaliser son bouillonnement, de lui offrir une direction. Dénué d’axes forts, Songs of Praise intrigue durant trois titres, puis, face à cette crise adolescente qui n’en finit jamais, fatigue les neurones. Trop décousu, trop « collection de chansons », ce disque, comme hier les premiers Shed Seven ou Cast, rejoint illico le rayon des brocantes.
Je m’apprêtais à me moquer du chroniqueur qui allait contre le vent dominant et l’écoute de trois titres de cet album a suffi pour me saouler. Bien vu.
Finalement, la suite vous aura donné tort: c’est toujours aussi bon, cet album!