Il faut avouer très sincèrement qu’on ne fait pas d’ordinaire et naturellement dans le stoner rock, trop puissant pour nos oreilles étalonnées à la pop anglaise. Mais lorsque l’occasion se présente et que le morceau tient plus du rock psychédélique et du vol plané que de l’emboutissage de tôlerie ou de la guerre totale, on ne rechigne pas à y aller voir et à se faire du mal/bien. C’est exactement ce qui se passe avec la musique de Greyfell, groupe de Rouen dont on avait croisé par le plus pur des hasards le premier album en financement participatif sur Ulule, et qui revient, cette fois porté par la maison de disques italienne Argaunota Records, avec son deuxième album, Horsepower, le 12 janvier 2018.
L’album devrait représenter la première vraie secousse tellurique et sonique de l’année qui vient et s’annonce en fanfare (c’est une expression) avec ce premier clip, The Spirit of The Bear, qui dit assez bien ce qu’on aime chez ce groupe. Greyfell n’est pas juste un groupe bruyant, c’est un groupe qui navigue entre les esthétiques stoner, Black Metal (on se souvient du morceau Black Magic Ritual sur le premier album qui ressemblait à du Led Zeppelin sous influence) et surtout, ce qui nous intéresse finalement, psychédélique.
On sait que la matrice du metal, en général, naît dans la découverte des ressorts insoupçonnés et presque infinis des guitares électriques, de l’allongement des séquences, des solos sans fin, du maniement des effets spéciaux à pédales et autres joyeusetés. Le fait de se laisser les cheveux (ah, ah) s’imposant comme le trait d’union (et de discorde) entre le mouvement hard rock et l’héritage hippie. Greyfell arrive évidemment quarante ans après tout ça, mais donne le sentiment d’avoir incorporé cette matière historique pour nouer/dénouer ses arpèges, et trousser ses chansons détonantes. Cet esprit de l’ours est au moins à triple détente : un peu Mogwai, un peu pop (il faut chercher mais on les a vus faire une belle reprise du Wicked Game de Chris Isaak cet été) et un poil psycho-metal. Ca fait beaucoup de poils mais The Spirit of The Bear mérite qu’on s’y attarde : la mise en place climatique est magistrale, les alternances d’explosions et de re-doux sont subtiles et le chant, un peu voilé, peut rappeler le post-punk et pour les plus imaginatifs certains accents déjà entendus chez Robert Smith, Richard H. Kirk de Cabaret Voltaire ou mieux encore, l’admirable Gavin Friday des Virgin Prunes. Le clip baigné d’une belle lumière verte est intéressant et assez immersif, contribuant au climat inquiétant et angoissant de ce joli morceau.
La question reste posée toutefois : c’est quoi cette histoire d’ours ?