Format / Coryphée
[Araki Records / Atypeek Music]

5.9 Note de l'auteur
5.9

Format - CoryphéeOn croyait le math rock oublié. Mais il résiste et se mélange à des influences plus rock et bruitistes pour accoucher de formes plus ouvertes et sonores. Ainsi des Français de Format, qu’on avait rangés dans le genre (faute de mieux) à l’écoute de leur précédent EP, Empyrée, croisé furtivement il y a au moins trois ou quatre ans. Du math rock, Format a retenu l’idée de descendre les harmonies dans le sens de la marche et à toute vitesse. La logique est implacable et s’emprunte en serpentant à dos de guitare électrique ou d’effets spéciaux, en prenant soin de caler le pas sur le martèlement d’une batterie-massue.

La musique de Format, telle qu’elle se donne à voir avec Coryphée, soit cinq nouvelles plages de quatre minutes chacune, a autant à voir avec Mogwai qu’avec Battles ou Pneu (ils sont de Clermont). On pense à la grâce métallique de Tool autant qu’à la rage millimétrée de Shellac quand le groupe hausse le ton. Sur le premier morceau, Zeitergeist, le fond de l’air est électronique et épais comme la glaise. Les quatre hommes (on avait gardé le souvenir d’un trio), Mathieu Gauvin à la guitare, Jérôme Mantelet à la batterie, Vincent Mantelet au synthé, Simon Gastaud à la basse, jouent comme s’ils se rendaient coup pour coup. Les instruments sont serrés les uns contre les autres et la production les emprisonne dans un écho claustrophobe qui écrase la mélodie par sa gravité martiale. Il n’y a pas beaucoup d’espace pour respirer et encore moins pour se faire la malle. Format prend par surprise et très haut serré sur la gorge. Coryphée renvoie à cette notion du choeur antique où un commentateur vaguement omniscient et incarnant parfois la force du Destin s’adressait aux spectateurs pour contextualiser la pièce ou permettre à l’acteur de faire une pause. Le chef de choeur en finissait par occuper la place centrale, celle par lequel le jeu se développe et souvent prend sens. Sans doute est-ce ce qu’il faut comprendre dans un morceau titre qui s’étire avec la netteté et la beauté d’une démonstration mathématique, puissante et rectiligne. Il ressort de la musique de Format une détermination qui affole et peut presque effrayer par son caractère inévitable.

Denisova est un titre magnifique à la progression épatante. On croit percevoir quelques motifs orientaux avant qu’un déluge d’acier ne les emporte. Les trois morceaux sont impressionnants de force et d’impact, ce qui, paradoxalement, laisse assez peu de place à l’auditeur pour faire autre chose que courber l’échine et accuser le coup. Il faut attendre Thrace 7, un morceau ouvert et qui fonctionne grâce à un sample (qu’on a pas identifié) sur sa première partie, pour que Format laisse la place à un investissement émotionnel. La seconde moitié du morceau vient mettre un terme à cet infime espace de liberté et nous remet la tête dans le sac pour mieux nous défoncer la gueule. On a toujours trouvé que le genre manquait un brin de finesse et c’est ce qui nous saute aux oreilles ici. On doit reconnaître que Seizure a une certaine allure dans la façon dont il ondule devant nous, percute et caresse entre deux baffes, mais on ne ressent au final que les automatismes et les gammes et pas la subtilité des déviations.

Coryphée est un EP de qualité, terrible de maîtrise et taillé dans la fonte brute qu’on aurait aimé (comme à chaque fois avec cette veine math rock) plus fantaisiste et vallonné. Il est juste un peu trop musculeux et volontariste pour nous. On le conseillera plutôt à ceux qui aiment s’échauffer les oreilles plutôt que les titiller. Tous les goûts sont dans la nature. Ce n’est en aucune façon une raison pour passer son chemin si on aime se faire détrousser par des gredins.

Tracklist
01. Zeitergeist
02. Coryphée
03. Denisova
04. Thrace 7
05. Seizure
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