Dans la vraie vie, Ryan Kennedy est un type ordinaire. Un mec qui va au turbin parce qu’il faut bien payer les factures, qui fait des choses banales parce qu’il faut bien les faire. Probablement a-t-il des enfants à élever, va-t-il au supermarché et enfile-t-il des pantoufles quand il est chez lui pour ne pas salir la moquette du salon. Mais c’est un passionné de musique, un vrai, qui a des copains avec qui il peut partager sa ferveur.
Et dans un monde parallèle, Ryan Kennedy est un super héros. Un type génial, capable de trousser des lignes de guitares en ligne claire qui donnent le tournis et tissent des compositions mid-tempo pour soutenir son chant vaporeux. Il écrit même des paroles empruntes de romantisme qui font échos à nos propres sentiments. Comme il vient de Manchester et qu’il lui est arrivé d’être derrière un comptoir pour essayer de vendre des disques, il connaît les codes et a quelques adresses utiles dans le microcosme de l’indie-pop. Aussi, plutôt que de se fantasmer un avenir de pop-star a-t-il décidé de présider à sa destinée. Les albums de Horsebeach paraissent donc sur Alone Together, sa propre structure au nom de laquelle il a déjà publié trois albums et nombre de formats courts.
Il en est de même pour The Unforgiving Current, disponible dans nos contrées via un import… japonais. C’est exotique et cela nourrit le mythe. La magie de l’International Pop version 2.0 coûte juste une poignée d’euros en plus pour avoir une notice imbitable ajouter sur le joli graphisme abstrait de l’artiste Stefan Jovanović. Autant dire que Horsebeach semble être un plaisir réservé aux initiés, aux amoureux de « jangly twee pop » pour qui collectionner les disques de Postcard Records est une préoccupation quotidienne et détenir l’intégrale de Sarah Records, un devoir civique et moral. Une vraie source d’entichement pour « adulescent », un pot de miel pour collectionneur diabétique.
Pourtant ces dix nouvelles chansons hors d’âge mériteraient un peu plus d’attention, au-delà des « happy few », si tant est qu’on accorde du crédit aux réalisations de Captured Tracks et quelques autres (notamment du côté de la scène scandinave) si malins pour recycler à l’infini l’anorak pop des 80’s. La différence principale pour Horsebeach se situe au niveau de la production, Ryan Kennedy semblant refuser de déléguer à un tiers la mise en son de ses compositions. Avec une économie de moyens forcée, le son de ses chansons reste mat, un peu étouffé, bien que chaque instrument est clairement identifiable. Et comme Horsebeach doit se contenter, de gré ou de force, à des formules simples plutôt que de succomber aux attraits des enluminures, cette dizaine de chansons ressemblent à des démos de tubes en puissance. Cela peut paraître injuste et frustrant, mais immanquablement, cela ajoute un charme suranné au travail de cet honnête artisan avec qui on s’imagine volontiers disserter en enquillant des pintes dans un pub situé à quelques encablures des lieux mythiques de Manchester. Les deux pieds dans le monde ordinaire mais la tête dans les étoiles.
02. The Unforgiving Current
03. Dreaming
04. Mouming Thoughts
05. Vanessa
06. Yuuki
07. Trust
08. Unlucky Strike
09. Mother
10. Acting