I Wish You Lonely : le problème avec Morrissey…

shop morrisseyA quelques encâblures maintenant de la sortie du nouvel album de Morrissey, le Mozdom tremble sur ses bases. Après le trompeur regain de forme représenté par le précédent album World Peace Is None of Your Business (trompeur car faussé par l’addition de faces B bien meilleures que le disque original), les premiers signes donnés par l’ancien chanteur de The Smiths concernant les contours de son Low in High School ne sont pas tous rassurants.

On passera (car on s’en fout royalement) sur ses déclarations plus ou moins douteuses sur le Brexit etc. L’inquiétude porte sur la capacité de Morrissey à sortir encore des chansons qui enchantent et dont les textes seraient dignes de son talent passé. Spent the Day In Bed, le premier single tiré de l’album à venir, avait plutôt rassuré, servi par une mélodie solide, un texte plutôt audacieux et astucieux, et une interprétation impeccable. L’angle d’attaque, la dynamique propre au morceau laissaient présager, malgré une production contestable, que Morrissey avait encore dans les jambes (et le jabot) des restes intéressants.

Malheureusement, les autres signaux donnés depuis sont venus troubler le tableau. Au cœur du débat, une performance donnée à Berlin pour un show retransmis en direct sur Arte et qui a divisé le public. Pour les uns, Morrissey a été royal, souverain et a réussi à soulever un intérêt réel autour, entre autres, des nouveaux titres de son album interprétant rien moins que six nouveaux morceaux dont, en plus des deux singles révélés depuis (Spent The Day in Bed et I Wish You Lonely), Home Is A Question Mark, All The Young People Must Fall In Love, My Love, I’d Do Anything For You et When You Open Your Legs. Six titres soit rien moins que la moitié du nouvel album et un vrai retour en force pour les plus enthousiastes : morceaux musclés, crâneurs pour certains et en tout cas donnés de manière résolument offensive. Pour les autres, dont nous sommes, et qui ont regardé la performance du groupe en direct, les nouveaux morceaux étaient plutôt joués avec les muscles qu’en délicatesse, représentant autant de passages en force manifestes, quand les textes brillaient par leur absence de singularité.

« It’s 4am and once again/ I am asked to leave this club in Tel Aviv/ It’s 4am and once again/ I am asked to leave this club in Tel Aviv// Everything I know deserts me now/ When you open your legs/ Everything I know deserts me now/ When you open » chante-t-il sur la chanson When You Open Your Legs… Difficile de se pâmer devant ça. Que dire de All The Young People Must Fall In Love : « They never stop talking/ They aren’t allowed to say/ They can’t say what / they really mean/ Do you ever say what you really mean?/ Presidents come, presidents go/ And oh look at the damage they do/ All the young people they must fall in love« . La banalité est de mise, les obsessions (anti-pouvoir, anti-monarchiques), le mélange récurrent de thèmes (la politique, la jeunesse, l’amour) prennent le dessous sur la recherche d’images. Cela fait quelques années (décennies) maintenant que l’écriture de Morrissey s’est allégée, affectée par un syndrome du « mot en moins ». On peut dater cela assez précisément à Southpaw Grammar en 1995 mais à cette époque là, les textes même ramassés avaient une richesse et un sens infiniment plus percutant qu’ils ne semblent l’avoir aujourd’hui. Est-ce à dire que Morrissey pêche désormais là où il excellait jadis ?

Le nouveau single, mis en avant hier, I Wish You Lonely, comme Spent the Day in Bed, se tient plutôt bien de ce côté. Le texte est enlevé sur la première partie du titre, avant de sombrer dans une relative ineptie, malgré de beaux vers comme l’imparable « Tombs are Full of Fools/ Who gave their life/ upon command« . Morrissey a pratiqué jadis ces ruptures de ton ou de sens (il le faisait déjà avec The Smiths) mais c’est ici fait avec lourdeur et sans que cela relance la dynamique du morceau. I Wish You Lonely est plombé par la pauvreté de sa structure mélodique (le titre est pourtant signé Boz Boorer, l’un des compositeurs les plus anciens et estimés du chanteur), l’absence de refrain et l’effet de déjà entendu qui caractérise la mélodie vocale.

Morrissey chante merveilleusement bien d’un point de vue technique mais abuse de ses structures où il chante à plat avant de répéter un motif crescendo pour créer un effet de contraste. Par contraste, et sur un motif vocal similaire, on peut s’amuser à réécouter une chanson, pourtant une face B, comme Have a Go Merchant d’il y a 20 ans. L’allant est très différent. La modulation est infiniment plus riche et la qualité globale s’en ressent.

Est-ce à dire que Morrissey est victime des chansons qu’on lui offre ou est-ce qu’il n’est lui-même plus capable de trouver la clé qui lui permettait jadis de transformer des bases musicales communes en chef d’oeuvre, par la seule force de son chant, la question est posée. Avec I Wish You Lonely, une chose est certaine, c’est que la production (Joe Chiccarelli) ou la direction musicale (Boorer si on lui a demandé son avis) a l’air désastreuse. La recherche d’effets qui donnait un peu de variété au précédent album semble avoir abouti à l’adoption d’artifices folkloriques, vintage et affreusement datés, qui défigurent des chansons déjà pas très fringantes.

Avec tout ça, et si l’on considère la performance poussive, ralentie et morne de Berlin, il y a de quoi faire retomber rapidement les enthousiasmes soulevés par l’annonce du retour du prodige. Evidemment, et comme à chaque fois avec Morrissey, on ne demande qu’à revenir sur notre intuition. Verdict le 17 novembre.

 

PS : pour ceux qui traîneront à Londres et à Los Angeles à cette époque, la sortie du disque s’accompagne de l’ouverture de magasins pop up dédiés (voir photo) où BMG et Morrissey écouleront de la marchandise rare : disques test pressings, etc.

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