Il y a malheureusement un point final à la ligne
Joseph Ponthus, 1978-2021

Joseph Ponthus - Michel Cloup par Guillaume Kerjean

La rencontre aura été aussi brève que passionnante. Il y a un an environ, Michel Cloup sur ses réseaux sociaux annonçait la mise en chantier d’une adaptation musicale du premier roman de Joseph Ponthus, A La Ligne Feuillets d’Usine (éditions de La Table Ronde). Intrigué et bien conseillé, il était alors temps de découvrir le roman, salué à sa sortie de façon aussi quasi-unanime que surprenante pour une œuvre aussi âpre, rédigée sans ponctuation, en vers libres et récompensée, entre autres distinctions littéraires, du Grand Prix RTL-Lire de 2019.

Devenu une référence symbolique, celle d’un monde clos que l’on ne peut qu’à peine imaginer si on ne l’a pas réellement vécu, mais dont lui, parce qu’il y est entré par la petite porte, celle des intérimaires corvéables et interchangeables, est parvenu à rendre compte avec beaucoup de justesse, on le retrouvait dans la série documentaire d’Arte, Le Temps Des Ouvriers (en particulier dans les épisodes 1, 3 et 4) où il témoignait avec sa voix chaude et ses mots toujours soigneusement choisis de l’âpreté de l’univers de l’usine (à voir et revoir jusqu’en août sur arte.tv).

L’adaptation musicale du roman par Michel Cloup et Julien Rufié, aux débuts accompagnés de Christophe Miossec rapidement suppléé par Pascal Bouaziz sortie en décembre dernier chez Ici d’Ailleurs et dont nous saluions la qualité il y a quelques semaines à peine, fut, à l’image du livre, un des coups de poings de 2020. Le trio, inspiré et porté par le texte, se l’appropriait comme rarement pour le sublimer dans une adaptation qui ne pouvait pas rendre plus hommage à son esprit originel.

Joseph Ponthus, le travailleur social, travailleur tout court pour subvenir à ses besoins dans une région lorientaise découverte par amour, celui qui décrivait si bien la dureté du travail à la ligne à décortiquer crevettes et bulots a, saloperie d’ironie du sort, fini par être vaincu par le crabe, à 42 ans, a-t-on appris ce 24 février.

Il laisse derrière lui, outre des larmes et un grand vide d’abord pour ses proches, une œuvre majeure de la littérature contemporaine à laquelle Michel Cloup, Pascal Bouaziz et Julien Rufié continueront de rendre hommage dès que possible et le plus souvent possible. On s’en doutait mais on ne pensait pas y être confronté si tôt : il y a malheureusement un point final à la ligne.

Crédit photo : avec l’aimable autorisation de Guillaume Kerjean, merci. (Remerciements à Michel Cloup)

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