Disparition de David Thomas, le leader du Pere Ubu (1953-2025) : un monument singulier

David Thomas Pere UbuC’est un pan de l’histoire du post-punk, de l’avant-garage (l’expression qu’il avait utilisée pour définir la musique de son groupe) qui s’effondre avec le décès annoncé ce matin du chanteur David Thomas, patron des légendaires Pere Ubu.

Au sein de ses divers collectifs (avec en premier lieu les mythiques Rocket From The Tombs originaux), Thomas s’était rapidement imposé comme le leader incontesté, fidélisant autour de lui des musiciens très solides et techniquement compétents qu’il mettait au service de ses projets. Il avait démarré en tant que journaliste à Cleveland avant de se lancer à corps perdu dans la musique au milieu des années 70. Durant une bonne quinzaine de mois au sein de RFTT avec Cheetah Chrome et Peter Laughner, il avait lancé les bases d’un mouvement qui ne s’appelait pas encore tout à fait le punk mais qui y ressemblait. Sonic Reducer, chanson qui deviendrait le symbole de cette époque quelques années plus tard, fut composée dans cette effervescence des débuts. Formant en 1976, le Pere Ubu il lançait une aventure sans précédent mêlant le punk, le post-rock,  et une sophistication art rock insensée qui allait laisser derrière elle des albums sans équivalent dans l’histoire des musiques récentes. L’audace du groupe saute partout aux oreilles mêlant cuivres (la clarinette notamment), instruments électriques et souci permanent de se rattacher aux musiques américaines.

Sa voix caractéristique, son audace, son aura, la crainte qu’il inspirait à travers ses mouvements d’humeur, ont fait de lui un personnage respecté et vraiment à part ces quatre ou cinq dernières décennies. Les albums Modern Dance (1978), Dub Housing (1978), Pennsylvania (1998) sont des classiques mais David Thomas n’aura quasiment jamais faibli, offrant sur le tard avec The Long Goodbye (2019) ou 20 Years in A Montana Silo (2017) des chefs d’oeuvre tardifs à son public. En 2023, il avait sorti son dernier album en date Trouble on Big Beat Street, autre disque majeur et qui intervenait presque par surprise après l’annonce d’une longue maladie.C’était aussi une bête de scène incroyable comme en témoignait en 2020 la sortie d’un live capté en Pologne.

Annoncée ce matin sur le site du groupe sa disparition, douce auprès des siens à Brighton (il n’avait pas remis les pieds aux Etats Unis depuis des lustres), est intervenue suite à une reprise de cette “longue maladie”. Le communiqué évoque l’enregistrement d’un dernier album qui en était, semble-t-il, au stade du mixage et dont on pourra sûrement profiter dans les mois qui viennent. David Thomas a demandé à son équipe de poursuivre le travail d’archivage et de mise sur le marché de l’ensemble des concerts qu’il a donnés de son vivant et qu’on peut écouter et acheter sur le bandcamp du groupe. On l’avait croisé à plusieurs reprises au milieu des années 2010, avec notamment cette interview d’avant concert.

Un monument singulier s’en est allé. Il se tient encore assis devant nous ce matin, dans toute sa démesure.

Crédit photo : Joe Mabel – Wikimedia Commons (Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license)

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Pere Ubu – 216 Beat Wasteland

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