Une fille, une guitare, la beauté : what else ? Ce printemps a beau débuter avec des allures d’automne, on n’a pas tout à fait perdu encore l’espoir de voir le jardin bourgeonner et les petits papillons voler autour de nous pour nous offrir l’amour. C’est exactement ce qu’on se dit à l’écoute du troisième album de la douce et belle Joana Serrat, Cross The Verge : il y aura des jours meilleurs, du soleil et du sexe sentimental un jour ou l’autre. Joana Serrat est un miracle printanier, miracle de délicatesse et de précision pop folk qui suffit à elle seule à redonner l’envie de vivre à un autocar de suicidaires. Son précédent album frayait un peu trop avec l’Americana pour nous mais celui-ci sonne d’emblée plus équilibré à l’image de ce single Cloudy Heart, qu’on peut trouver en tout point impeccable. La voix est claire, assurée mais sensible et le jeu de guitares toujours dynamique ne fait pas penser à l’une de ces scies joyeuses à la Soeur Sourire. Dans cette affaire de séduction à guitares, le mâle se défile parfois et ne peut répondre favorablement que lorsque le stimuli (culturel) est émis avec suffisamment de délicatesse et d’imprécision pour laisser l’imagination faire son oeuvre. Et c’est exactement ce que réussit Serrat ici avec beaucoup de savoir-faire : suggérer plutôt que clamer, chantonner plutôt que s’époumoner, séduire plutôt que courtiser. Les rôles étant ce qu’ils sont, on préférera le plus souvent que la fragilité affleure et que le mystère demeure. La jeune barcelonaise (originaire de Vic, très exactement) fait plutôt cela à la catalane plus qu’à l’espagnole et sans volcanisme excessif. L’ensemble, folk, sonne comme très érudit et cultivé et ne cherche jamais le passage en force.
Joana Serrat a travaillé sur ce troisième album à Montréal, avec Howard Bilerman que les experts auront déjà repéré chez Arcade Fire. Parmi les amis de passage sur un album qui voit défiler des instrumentistes différents et comporte quelques duos, on notera la présence remarquable du Mojave 3/Slowdive, Neil Halstead, ce qui est toujours un gage de qualité. Pour le reste, le genre, folk, et la forme, fille à guitares, suffisent à définir un cahier des charges qui est… parfaitement respecté aux oeillades et aux accords de guitares près. C’est du très bel ouvrage, séduisant et élégant, envoûtant et parfait pour passer d’une saison à l’autre. On ne comprend pas comment avec une Joana Serrat, il est possible d’avoir un temps aussi pourri.