La loi de la frousse décroissante n’épargne pas les meilleurs. Et c’est évidemment le cas de Conjuring qui au fil des déclinaisons, suites et spin-off tend à perdre un peu de sa superbe et de sa puissance horrifique.
En clair, cela veut dire que le film fait moyennement peur tout en restant assez admirable, malgré quelques sursauts offerts sur un plateau par un réalisateur concentré sur ses effets mais qui n’arrive pas tout à fait à restituer le climat particulièrement enveloppant et immersif des deux précédents films.
Il y a tout de même quelques lignes narratives originales ici et notamment cette ambiguïté de la menace qui s’oppose aux Warren qui n’est pas tant diabolique qu’humaine (et donc proche d’eux). Cela donne au film des occasions de creuser une veine plus expérimentale, entre polar occulte et film de genre, qui n’est pas pour nous déplaire et que la bande originale proposée par Joseph Bishara accompagne sans excès de zèle, ni de génie de manière honorable.
Bishara n’a jamais été notre compositeur préféré. Il a signé un nombre important de BO pour les films de la franchise : les 3 Conjuring donc mais aussi Annabelle et la Malédiction de la Dame Blanche qu’avait signé Michael Chaves justement. Bishara s’y connaît en matière de climats inquiétants qu’il dresse comme des barrières imposantes à base de cuivres soufflés et de murs de cordes, comme si, étrangement (et alors que les films montrent le contraire) une barrière matérielle divisait le monde des vivants et celui des esprits. On peut reprocher à sa musique ainsi un petit manque de subtilité que l’on entend ici dans des titres comme Soaring Curses ou Wronged Forces. L’unité climatique est par trop homogène comme si Bishara était prisonnier d’un système de composition qu’il maîtrise à la perfection et qui se décline en 2 ou 3 nuances : calme/montée de l’inquiétude/ surrection diabolique. C’est autour de ces notions qu’on peut rattacher l’ensemble des 24 pièces qui composent cette Soundtrack officielle, sans qu’on ait beaucoup à y réfléchir.
Cela n’enlève rien à sa science de l’orchestration et à l’amplitude donnée à certains titres. L’utilisation des voix est chez lui toujours appréciable et amène une solennité déglinguée à une pièce comme Altar Approached. Bishara excelle ici comme il le fait sur le progressif et décisif I Know What You Did. En jouant des basses et avec un son là encore cuivré couvert par ce qui ressemble à des bruits de pales d’hélicoptères, Bishara produit un effet de dérangement précis et déstabilisant. Comme les Warren, sa musique bouscule et invite à la perte de repères. C’est dans ce contexte qu’il signe ses meilleures pièces : les moins lisibles et prévisibles. On aime ces titres quasi minimalistes et qui habillent les scènes de transition comme Possession Measured. Il ne se passe rien, musicalement et cinématographiquement parlant, mais c’est dans ces instants suspendus que la note use de son pouvoir de ne rien dire et de contenir un monde de possibles terrifiants. Ishara ménage alors ses effets, se contentant d’un tintement, de quelques aplats de cordes pour faire durer la piste et prolonger la respiration. The Conjuring The Devil Made Me Do It est musicalement une BO assez anti spectaculaire et qui n’admet qu’assez peu de moments de bravoure. Acheter le CD est probablement une affaire de goût mais il ne faut pas s’attendre ici à tomber sur des thèmes vigoureux ou iconiques. On a plutôt affaire à une musique d’ambiance, qui souligne et accompagne plus qu’elle ne précède ou ne produit du cinéma.
Cela ne veut pas dire que la BO ne présente pas d’intérêt particulier mais qu’à l’image du travail d’Ishara, il n’est pas certain qu’elle marque les esprits au delà des images. Les plages lentes ne sont à cet égard pas les moins réussies. On aime quand Ishara laisse entrer la lumière, ce qu’il fait ici trop rarement comme sur Holy Water. Pour le reste, on a le sentiment sur les plages de deux minutes d’assister trop souvent à l’amorce d’une mise en place orchestrale qui se termine en haut de boudin et ne sert qu’à ouvrir sur la prochaine séquence contemplative ou de déambulation crépusculaire.
Bref, et pour conclure, cette BO ne restera pas dans les annales et s’avère bien moins intéressante que le film qu’elle sert. Le cinéaste ne s’y est pas trompé qui a intégré au film une bonne demi-douzaine de morceaux qui relèvent la sauce en direct du champ pop. On retrouve ainsi Van Morrison, Blondie ou le Suspicious Minds d’Elvis, histoire d’amener un peu de peps à cette affaire qui en manque bougrement.
02. Ease into night
03. Wilds of the Devil
04. The Conjuring: The Devil Made Me Do It
05. Stabilized
06. How we met
07. Cut close
08. Possession measured
09. Witch totem
10. Reason you’re here
11. Psychic evidence
12. Something happened here
13. Know what you did
14. Holy water
15. Beast asserting
16. Morgue visit
17. Black candles
18. In your vision
19. A visitor
20. Unlcean spirit
21. Occult connection
22. Altar approached
23. Wronged forces
24. Soaring curses