Kid Loco : le retour de l’oiseau rare

Kid Loco - The Rare BirdsL’histoire officielle n’en a pas dit grand chose mais la sortie en 1997 du premier album de Kid Loco, A Grand Love Story, aura constitué un jalon extrêmement important dans l’émergence d’un trip-hop international sensuel et alternatif au son de Bristol. A Grand Love Story amène à sa sortie un vent frais qui distingue la production de Kid Loco de ce qui fait alors le genre depuis Portishead (qui prépare au même moment son deuxième album) jusqu’à la veine hip-hop incarnée par Massive Attack ou Archive. En 1997, il n’y a guère que Pressure Drop, avec Elusive, l’un des joyaux méconnus de la période, qui navigue dans les mêmes eaux que le Parisien. Là où Pressure Drop travaille une matière sombre, soul, funk et classique, Kid Loco va aller chercher du côté des musiques de films, des musiques instrumentales et de la chanson élégante façon Bacharach, une nouvelle orientation à la fois légère, cinématique et atmosphérique. Les tempos sont ralentis, la délicatesse est de mise pour une oeuvre de haute précision qui s’apparente à de l’orfèvrerie électronique. L’importance réellement décisive de Kid Loco sera recouverte médiatiquement dès 1998 par le Moon Safari de Air et l’explosion french touch qui suivra, plus club, mais aussi nimbée d’une sophistication bourgeoise supplémentaire. Dès lors, le musicien était relégué, sur la scène nationale du moins, au second plan, pour une des plus belles injustices de la période. Les deux albums qui suivent sont mis à bonne distance bien qu’épatants : Party Animals & Disco Biscuits, dix ans plus tard, et Confessions of A Belladonna Eater en 2011.

La sorti en septembre de nouvel album, The Rare Birds, est donc un événement parce que le musicien est rare et parce que chaque création de Jean-Yves Prieur (l’homme qui se cache derrière le pseudonyme) est l’occasion de savoir où le musicien en est de sa conception du son, des rapports entre les voix, la mélodie et les instrumentations électro-organiques. Kid Loco compose un trip-hop qui renvoie aux années 70 où les voix de femmes occupent le centre du jeu et attirent à elles les motifs instrumentaux. Le reste, tout le reste (et même lorsque les voix sont absentes) organise sa présence en fonction de cette caresse déposée par le chant, sa trace ou son souvenir, définissant une sorte de musique en apesanteur, apaisante et pure comme du Debussy. D’aucuns penseront qu’on en fait trop (ils auront raison sûrement) mais il y a une spécificité à l’oeuvre chez Kid Loco qu’on ne rencontre pas ailleurs. Unfair Game, le premier single tiré de l’album, peut s’aborder de deux manières. On peut y voir – ce qui est déjà très bien – une belle chanson nimbée d’électronique, bien produite et chantée de manière tout à fait convaincante par la Grecque Olga Kouklaki (croisée chez Nouvelle Vague) ou la mise en place d’une mécanique de précision impressionnante où CHAQUE élément est A SA PLACE. Il est assez intéressant de pister sur la première minute les entrées rythmiques, le passage du silence au son, l’irruption de la voix et de constater avec quelle science le morceau se met en place. Le clip signé André Semenza et qui met en avant la divine Cécile Sinclair est magnifique et ajoute à l’impression de maîtrise et de fluidité qui se dégage de ce matériau exceptionnel. La thématique est intime (l’abandon, la tromperie peut-être) et s’articule parfaitement à la solennité dramatique du morceau.

The Rare Birds sera  l’un des albums à écouter en septembre, autant avec sa tête qu’avec son cœur.

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