A l’heure où on en sera enfin à tirer le bilan de cette pandémie mondiale, il ne faudra pas en minorer les effets collatéraux. Et parmi ceux-là, les dégâts causés par la perte de lucidité due à l’absence de liens sociaux dans la période de confinement auront flingué quelques carrières artistiques. Sans oublier les perturbations auditives provoquées par une trop grande consommation de drogue.
Par le passé, on a pu condamner à l’écoute de l’intégrale de Lara Fabian jusqu’à ce que saignement d’oreilles s’en suive, ceux qui prétendaient que Twin Shadow n’était qu’une baudruche se dégonflant au fil des albums depuis la parution de l’inaugural Forget (4AD) en 2010. Se jouant des codes pour mieux les pervertir, l’Américain a toujours porté en étendard une puissance mélancolique emphatique. Le personnage l’assume depuis le début. Mais qui pourrait sciemment mépriser une chanson comme Run My Heart, cette inusable scie 80’s transgénérationnelle, s’il a un tant soit peu un cœur, ou encore ne pas dodeliner en écoutant Saturdays ? Et les 4 albums de George Lewis Jr., bien qu’inégaux, recèlent chacun quelques tubes irrésistibles, n’en déplaisent aux grincheux qui préfèrent s’en détourner au nom d’un prétendu « bon goût ». Lui n’en a cure, il a toujours délivré ses sentiments au gré de ses envies, passant de la bedroom-pop jusqu’à flirter avec le r’n’b.
Aujourd’hui, Twin Shadow ne déroge à cette liberté stylistique. Mais on se demande quand même si Johnny and Jonnie n’est pas une blague de potache. Car en ce qui concerne la source d’aspiration, on est bien loin de ce qu’il nous a jusqu’alors proposé. Champion de la grande chialade sur le dancefloor, a-t-il voulu alléger notre quotidien ? De ce point de vue, la vidéo est une réussite. Enfermé dans son home-studio, il se dédouble, affublé du code de vestimentaire de rigueur (sponsoring Kangol inside !), pour balancer une carte postale depuis Kingston (lui qui est originaire de l’ile voisine). C’est marrant sur un single digital. De là à faire un album du même acabit…
Crédit photo : Terrence Blakely