Korey Dane / Chamber Girls
[Innovative Leisure / PIAS]

5.9 Note de l'auteur
5.9

Korey Dane - Chamber GirlsLa country folk n’est pas notre spécialité. Mais il n’est pas certain que le Californien Korey Dane relève de cette discipline. Son folk est mâtiné de rock et d’amabilités FM qui font penser pêle-mêle à Ryan Adams et, dans ses meilleurs moments, à Chris Isaak. Chamber Girls est le troisième album de ce jeune homme qui interprète une musique quelque peu désuète et nostalgique, en arborant un look de skater post moderne. La sensation est étrange tout du long comme s’il y avait une impossibilité ontologique à ce qu’un type avec une telle allure interprète ce genre de musique. La clé est probablement à chercher dans la matière romantique dont il est question ici. Chamber Girls est un album habité par une rupture, par la sensation des filles qui passent et des rêves de jeune homme. Le titre parle de lui-même : les Chamber Girls sont évidemment des filles qu’on a pu posséder dans l’abri de notre chambre mais surtout des histoires qui n’ont vécu que dans notre imagination.

Il y a de très jolies choses sur cet album, à commencer par son démarrage en fanfare sur ce qui s’apparente sans nul doute à un tube en puissance : le dynamique et fringant Half Asleep. Comme souvent ici, on a l’impression d’avoir entendu le refrain avant tant il s’impose à la première écoute comme quelque chose de familier. La situation est simple : un type rêve et se réveille tout seul. Il se souvient d’avoir été (bien) accompagné et se lamente sur son sort. Qu’il était bon faire l’amour à demi-endormi (half asleep). Difficile d’en faire des tonnes sur un tel thème (le réveil moite est un thème classique de la chanson romantique, voir Woke Up Sticky de Peter Perrett, Just Like Heaven de Robert Smith et J’ai encore rêvé d’elle d’Il Etait Une Fois) mais le morceau tient la route. Korey Dane a la guitare gracile et est servi par un groupe passe-partout et appliqué. D’aucuns trouveront un morceau comme Charlie Handsome à la limite du supportable mais tout est question ici de registre. Chamber Girls renvoie à un genre (le folk rock FM) qui en fera vomir certains mais qui peut avoir son charme dans certaines situations : lorsqu’il fait très chaud par exemple, sur la route, dans un restauroute, ou en buvant une bière fraîche dans un motel en solitaire. On imagine qu’il y a d’autres circonstances où on peut trouver cela aimable. Korey Dane est plus que fréquentable et façonne des titres qui sont à la fois rythmiquement emballants et bien écrits. Hard Times a des sonorités blues accueillantes et Heart Out West une vraie grâce. Ce morceau est peut-être le plus élégant des onze titres. Sa mélancolie amoureuse fonctionne à plein et nous plonge dans une torpeur rêveuse et sensuelle irrésistible. Dans cette configuration, Korey Dane peut approcher le talent et la sensibilité de son homonyme européen Kris Dane. Les deux hommes ne sont pas si loin l’un de l’autre lorsqu’on écoute une chanson comme le magnifique Always mais Kris est bien meilleur et plus fin dans la durée. A nu, Korey Dane y chante l’amour triste en mode acoustique.

L’album a bien d’autres atouts mais, parce qu’il évolue dans un univers peuplé de fantasmes et de mirages amoureux, a tendance à passer un peu trop vite devant nous sans laisser une impression définitive ou forte. Valeria est une belle chanson mais manque d’impact pour laisser une empreinte profonde sur nous. C’est le cas de Down In A Hole qu’on emporterait bien sur une île déserte tant elle est belle et touchante mais qu’on est à peu près sûr d’oublier lorsqu’il s’agira de faire son paquetage. Korey Dane réussit ainsi le prodige paradoxal de faire un bien bel album dont on est à peu près certain de ne garder qu’un souvenir évanescent et flou d’ici quelques mois. A ce stade, on ne sait pas si ce qu’on raconte est un compliment ou une condamnation définitive mais Chamber Girls fonctionne comme une bulle, un songe lumineux et adolescent, une scène ou une fille sublime qu’on capte depuis un train en marche : notre attention est saisie, séduite, éblouie. On a le sentiment et l’envie de répondre à l’appel du hasard et de se précipiter dans ses bras. On échange un regard plein de promesses et on passe son chemin. The knife got cold est une chanson magistrale. On aurait bien fait notre vie avec Korey Dane mais on a déjà ce qu’il faut à la maison. Ou pas.

Korey Dane – Chamber Girls (Bandcamp)

Tracklist
01. Half Asleep
02. Charlie Handsome
03. Hard Times
04. Heart Out West
05. Jay & The Coyote
06. Always
07. Lovesick in a hotel Wildfire
08. Valeria
09. Down In A Hole
10. The Knife Got Cold
11. Steady Forever
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