Mogwai / Atomic
[Rock Action / PIAS]

6 La note de l'auteur
6

Mogwai AtomicLes travaux parallèles de Mogwai ne manquent jamais d’intérêt. Zidane : a 21st century Portrait était un album passionnant et, si on l’a trouvée un peu sommaire et globalement ennuyeuse, la bande originale de la série Les Revenants avait aussi ses bons moments. L’illustration par le groupe écossais du documentaire de Mark Cousin, Atomic : Living in Dread and Promise, consacré à l’histoire ambivalente du nucléaire, est une nouvelle preuve de la capacité de Stuart Braithwaite et des siens à avancer en cohérence sur les territoires qu’ils ont eux-mêmes aidé à cartographier.

Atomic est une illustration en 10 titres des ressources du groupe. Le savoir-faire est immense, marqué par un sens des structures accru, une grande rigueur dans les compositions et plus généralement par une belle intelligence. Mogwai ajoute à ces qualités devenues naturelles à force de baliser avec méthode son pré carré de post-rock à guitares, une capacité à ouvrir sa musique au gré des commandes, à la développer selon une orientation qui est conçue en réponse à un thème ou à une injonction extérieure. Atomic est de fait un travail très professionnel, rationnel et scientifique comme son sujet, et qui, de fait, est quelque peu avare en surprises.
Ici, c’est donc cette histoire de nucléaire qui représente la contrainte et aboutit aux deux partis pris sur lesquels repose le disque. Le premier consiste à donner la primauté aux machines sur les guitares. Atomic est un album d’ambiances développées en grande partie sur les synthétiseurs. On imagine que si les Ecossais avaient voulu insister sur le potentiel de destruction de l’atome, leur choix aurait été différent. Ils optent pour des développements plus subtils et une réponse à la technologie par ses propres moyens. Cela donne de sublimes instants lyriques à l’image du morceau d’ouverture, Ether, qui nous offre 5 belles minutes de poésie spéculative. On retrouve cette prévalence électro sur le morceau, SCRAM, qui suit dans une version un peu plus inquiète. Cette fois, Mogwai suggère le crépitement grésillement de la radioactivité dans une version plus sombre et répétitive. Le second parti pris du groupe est de raconter une histoire et, pour ainsi dire, de caler l’évolution musicale du disque sur le fil narratif du documentaire. Ce parti pris s’accompagne d’un corollaire esthétique qui est, si on le résume simplement, de ne pas faire trop de bruit. Du point de vue du fan, ce choix donne bien sûr quelques regrets puisqu’on aurait aimé voir et entendre un Mogwai plus en puissance et en force que ce qu’on nous offre cette fois. Le fil narratif n’en laisse pas moins la place à de belles et intenses modulations. On part d’une situation apaisée au début de l’album et l’on chemine tranquillement vers une forme d’apocalypse qui culmine dans un morceau remuant baptisé Pripyat puis revient en écho terrifiant sur le somptueux Tzar. Pour le reste, Atomic passe d’un morceau à la Kraftwerk, U235, qui s’intéresse avec la délicatesse d’un piano au mystère de l’uranium, à un mélancolique Weak Force qui brode autour d’un motif musical qu’on pense déjà avoir entendu chez les Ecossais, probablement sur Mr Beast. Little Boy est une belle pièce à suspense mais qui, si on s’en tient à son titre et à ce qu’il évoque, semble s’intéresser plus à la mythologie du nucléaire qu’au réel potentiel destructeur de la bombe. La limite du disque tient bien entendu à son statut de BO qui consiste avant tout à produire une musique illustrative et dont la visée n’est pas en tant que telle de produire du sens ou de se substituer au propos principal. On suppose que Are You A Dancer, où apparaît un violon, intervient à un moment où l’humanité se relève. La légende veut que le violon soit, parmi tous les instruments celui qui soit le plus en résonance avec l’âme humaine. C’est probablement cette symbolique qu’il faut aller chercher dans cette belle pièce de facture quasi académique.

Atomic est une œuvre appliquée et finalement plutôt sage. Les compositions ne sont jamais heurtées, ni soutenues par ces écarts de niveau sonore qui caractérisent les travaux de Mogwai sur album. On fera une petite exception sur ce qui peut faire figure de seul titre décisif de l’ensemble : le morceau Tzar. Reposant sur le traditionnel crescendo sonique des Ecossais, Tzar est un morceau ample et puissant qui laisse enfin le champ aux batteries et aux instruments organiques. Tout est bien sûr affaire de goût, mais on peut penser que c’est dans ce registre que Mogwai évolue le plus aisément, c’est-à-dire lorsque sa structure atomique nucléaire (ah ! ah !) est justement enrichie par l’apport de la technologie et pas l’inverse.

S’il ne faut pas lui accorder une importance démesurée, Atomic reste un album à écouter avec plaisir et attention. Il se situe, en tout état de cause, un cran au-dessus des travaux du groupe sur les Revenants qui avaient recueilli pourtant un accueil critique insensé.

Tracklist
01. Ether
02. SCRAM
03. Bitterness Centrifuge
04. U-235
05. Pripyat
06. Weak Force
07. Little Boy
08. Are You A Dancer
09. Tzar
10. Fat Man
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