L’erreur est humaine (et magnifique) pour Grand Soleil

Grand Soleil par (c) Clément BarzucchettiC’est un morceau qui se passe de mots, aussi beau sur le son que sur la forme (un clip magique conçu par Ugo Deseigne en guise de bonus écologique), qui signe l’entrée en musique et en long format du duo Grand Soleil.

Le groupe est constitué de deux frères, Pach et Drich. Le premier est présenté comme fan et spécialiste de hip-hop, tandis que le second a travaillé auparavant en mode électro. Leur alliance vient célébrer autour d’un beatmaking assuré, rafraichissant et original la rencontre festive et luxuriante de leurs influences. Sur ce premier morceau, qui préfigure un album, Human Error, à venir en avril chez Nowadays Records, les deux hommes nous envoient direct dans un futur technologique et sauvage comme un Wakanda imaginaire. Sur fond de rythmiques tribales, les frères Sahuc (leur vrai nom) organisent un joli bordel ambient qui fait figure de gentille initiation aux joies de la musique électronique tribale. Le morceau est magnifiquement conçu entre les choeurs, une rythmique quasi funk et des aplats électroniques qui rappellent par moment les séquences les plus planantes des légendaires frères Hartnoll d’Orbital.

On ne va pas en faire des tonnes mais les plus curieux pourront, en attendant l’album, aller refaire un tour du coté de leur précédent Ep, Réalité, qui présentait déjà ces mêmes qualités d’efficacité et de pédagogique électronique. Par delà la virtuosité visuelle qui n’est pas pour rien dans la séduction des morceaux, on a l’impression d’assister avec l’éveil de ce groupe à une forme de renaissance d’une french touch 4.0, moins bourgeoise et plus respectueuse de l’héritage électronique des dix ou vingt dernières années. Les Grand Soleil semblent ne pas avoir en tête de redonner vie à une esthétique 70s venue des musiques de film mais plutôt le souci d’honorer en toute liberté une lignée de bidouilleurs électro en tout genre qui va de la house à l’ambient en passant bien sûr par la chill out music et l’électro-acoustique. Sur ces quelques morceaux, on a une folle envie de danser et de planer pour aller commettre l’irréparable erreur d’être humain en leur compagnie.

Crédit photo : Clément Barzuchetti 

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1 Comment

  1. says: Dorian Gray

    J’ai suivi la sortie des quelques EP de Grand Soleil : ils sont très intéressants. Vous avez raison : ils ne cèdent aucunement à la facilité en fonçant dans une french touch post-discoïtale trop pratiquée par des producteurs et DJ (notamment français), exploitant à fond les ballons la machine à remonter le temps. D’autant plus à notre époque morose ayant tendance à se blottir dans la nostalgie.

    Eux, au contraire, privilégient des airs plus planants, moins dansants, avec une fine couche de basse entêtante. On se rapproche des morceaux de Air. On pourrait croire que leurs sons sont plus désarticulés de la pop culture que la french touch bourgeoise. Pourtant, les titres de Grand Soleil font de multiples clins d’œil aux Daft Punk (la voix sous vocodeur de « What Are My Dreams », voire l’excellent titre funky « Boulé », référence au label Roulé de Bangalter). De plus, ils revendiquent clairement dans leurs clips une esthétique pré-mâchée pleine de collages pop : leurs premiers clips sont habillés de patchworks d’extraits d’animés et de films allant des années 80 à aujourd’hui. Il se cache même dans leurs pistes des bruitages échantillonnés de jeux vidéo (« Sonic », « Mario ») et de films, c’est dire… J’aime beaucoup cela : c’est amusant, frais, et fait sans gros sabots, mais… ça reste facile. Même les excellents clips dessinés avec style par Ugo Deseigne (j’aurais parié que c’était Ugo Bienvenu) et ses formes oblongues citent (élégamment) « Adventure Time » mais aussi « Métal Hurlant ». J’espère tout de même qu’ils prendront peu à peu leurs distances (sans pour autant tourner le dos aux premiers amours, attention), car la place est prise depuis longtemps. Soyez-vous même!

    Mais je reste confiant. J’ai bien l’impression que c’est la direction qu’ils prennent avec l’EP « Réalité ». Si j’étais eux – et je pense qu’ils ont tout à gagner – j’irais vers un carcan électro complètement déserté qu’est celui d’une tribal house 2.0, dont l’emblème était en 2000 le collectif Africanism All-Stars fondé par Bob Sinclar et DJ Yellow. Cette association sortait des albums et compilations vraiment incroyables qui faisaient rencontrer des pointures du DJing européen (Martin Solveig, Tim Deluxe, Yves Larock, Soha, les Liquid People…) et des musiciens et chanteurs de racine africaine (Salif Keita, Salomé de Bahia, Tony Allen, etc.). Les titres pouvaient être très expérimentaux et ambient, tout comme d’autres plus commerciaux et dansant. Mais même ces-derniers avaient un particularisme hybride, entrelaçant rythmique solaire et sonorités aux couleurs africaines revigorantes. Ça n’a pas vieilli d’un iota. On se demandait ce qu’on avait dans les oreilles (ex : les superbes « Tourment d’Amour » de DJ Gregory, ou « Call It Jungle Jazz » de Matt’ Sumo). Ne vous méprenez pas en voyant des noms comme David Guetta ou Bob Sinclar : ils étaient à leur meilleur sur ce projet osé en diable, et il y a de véritables perles – je pèse mes mots. Et à une époque où « afro-descandants » et « blancos » en recherche de passionaria font un brouhaha pleurnichard pas reluisant sur des questions telles la réappropriation culturelle, se rassembler à travers une musique mosaïque, bariolée et humaniste, ne ferait qu’embellir un peu ce monde.

    Si Grand Soleil persévère dedans, sans forcément délaisser leurs lignes planantes pour des basses plus violentes, ils auront un boulevard devant eux! La musique électronique depuis 2011, avec l’essor du mouvement EDM, s’est gravement appauvrie avec l’explosion des festivals tels Tommorowland ; beaucoup de grands DJ se sont dévoyés et ne font plus honneur aux morceaux qu’ils composaient dans des caves. Mais l’arrivée de cette musique électro inécoutable en voiture à favoriser la chill out music dans la banane bleue, avec des petits gars assez talentueux comme Klingande, Bakermat, Ofenbach, Wankelmut, Dimmi, The Avener, Felix Jaehn, Robin Schultz, Alle Farben, Lvndscape, Henri Pfr (et j’en passe) revendiquant une vraie instrumentalitée qu’avait perdu l’électro mainstream, dont les concerts sont devenus des grands-messes pour puceaux radicalisés venus se défouler sur des beats inbittables. Quid de la chill out music aujourd’hui? Elle s’est un peu assagie. Voire mise en veilleuse.

    Quand on écoute « Round Round », on pourrait croire que c’est un son nouveau parce qu’il s’éloigne du nu disco agréable, mais facile. C’est faux : cela rappelle complètement « Walking With Elephants » de Ten Walls, et les titres plus contemplatifs d’Eelke Kleijn. Et ce n’est aucunement une critique! Néanmoins, ils amorcent un éloignement, même s’ils restent encore ligaturés par leurs influences. C’est normal quand on démarre. Mais pour détonner du feu de dieu, ils faudraient qu’ils se penchent sur le courant amorcé par le label Yellow Prod, qu’ils recyclent cela à leur manière tout en y injectant leur semence : une rythmique technologique extra-solaire dansante, alliée à des sonorités terrestres chatoyantes. En somme, le meilleur des deux mondes. Dès lors, ils rayonneront!

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