On a déjà dit tout le bien qu’on pensait du premier album de VIOT et de sa tentative de renouer avec une chanson française qui soit à la fois exigeante et populaire. VIOT, comme dirait l’autre, c’est notre Bashung à nous, pas forcément le monument des dernières années mais ce mélange insensé de petite frappe rock n’roll, de puits de science (indé), de faiseur de tubes et d’artiste enfumé. Une gueule, une voix, un look, une attitude bravache et en même temps empreinte de timidité, un côté rentre-dedans qui dissimule à peine le sentimentalisme et la fragilité, un sens de la poésie sonore affûté et une capacité innée (mais encore fraîche) à bien choisir ses musiques et ses musiciens. Un Bashung en devenir et en apprentissage accéléré, dont l’Astana (l’album) inaugural a été moins discuté, vendu et écouté que ne l’aurait laissé présager ses premiers singles dispersés. Mais c’est tant pis.
Peut-être pas sur chaque titre mais ici bien entendu, est-il possible de voir en quoi l’œuvre du grand disparu a pu influencer le jeune VIOT. Astana était déjà le plus beau titre de l’album de Viot, le plus ambitieux, le plus ample, le plus cinématographique. Il devient le plus joliment clippé avec cette vidéo, tournée dans un centre de congrès communiste bulgare, hors du temps et surréaliste. Réalisé par la photographe et chanteuse Astrid Karoual, le clip d’Astana est somptueux, sépia et long en bouche comme ce morceau à la longueur audacieuse : les 8 minutes et 40 secondes se déploient comme on tisse un rêve, dans une détermination confuse et avec un air permanent de mystère. L’introduction est somptueuse, interminable presque et excédant la fonction traditionnelle qui veut qu’elle ne serve qu’à amener au chant. Ici, l’introduction vaut le chemin. La voix est un instrument comme un autre, une sorte de petit caillou blanc semé pour figurer cette Astana mythique du titre, ce Mc Guffin musical qui n’est pas plus la capitale du Kazakhstan qu’une fille aux cheveux blonds, pas plus une chanson de sirène qu’un Shangri-La imaginaire. Astana, la chanson, est un titre magnifique qui ne dépareille pas à côté des Comme Un Indien et autres Rouge de l’album. Il serait bienvenu de s’en souvenir au moment des classements de fin d’année et en attendant les prochains mouvements de l’artiste d’y retourner voir avec l’argent de Noël.
Viot se produira d’ailleurs à Paris le samedi 19 novembre au Supersonic.
Photo : Astrid Karoual