Roseland / To Save What Is Left
[La Machine à rêves]

7 Note de l'auteur
7

Roseland - To Save What Is LeftOn était passé l’an dernier à côté du premier album du duo féminin Bordelais Génial au Japon. C’est aujourd’hui, Émeline Marceau, l’une des membres du groupe, qui livre avec ce To Save What Is Left et sous le nom de Roseland, une première contribution en solo. Le disque, sorti malheureusement en plein confinement, mérite qu’on y retourne et qu’on lui permette de passer la saison tant il arbore de qualités et formule de belles promesses pour demain.

Alors que Génial au Japon proposait une pop globalement enjouée et lumineuse, Roseland travaille des textures plus froides, plus oniriques et plus inquiètes. Le son est traité de manière assez mainstream et n’est pas le principal atout du disque qui mêle pop synthétique et ambiance cold wave dans une déclinaison mélodique plus affriolante que vraiment innovante. Rev est à cet égard ce qu’il y a à la fois de plus accrocheur mais aussi de plus horrible ici : une musique tendue entre une envie de séduire et un charme plus sophistiqué. On préfère quand Emeline Marceau évolue comme au confessionnal sur le beau Those Fairytales ou le dépouillé Christmas que quand Roseland s’ébroue et s’active comme une machine à remuer. Cela n’empêche pas le disque de s’offrir quelques plages pétillantes et convaincantes à l’image du conquérant Delta, morceau hanté par des fantômes sous le lit et qui fait penser à du Dead Can Dance d’aujourd’hui ou, plus près de nous, à du Drab City maladroit.  Sur ce titre comme sur quelques autres, l’équilibre est parfaitement trouvé entre une base rock et un nappage plus dream pop/électro qui a tendance par moment à lisser les morceaux. Delta est puissant et emmené par un travail de batterie précis et formidablement ponctuel. La voix d’Emeline Marceau est magnifique et pourrait en remontrer dans son expressivité et sa sensualité (refusée) à n’importe quelle Beth Orton ou Hope Sandoval.

C’est cette même rythmique, synthétique cette fois, qui fait de Too Much un titre transgenre offensif et engageant. Roseland est plus généreux et efficace quand il pratique un up tempo un peu rock et tendu que lorsqu’il joue la carte de l’émotion explicite. Faster Than You est une chanson magnifique, évoquant l’éveil d’une femme (?) après une rencontre qui est en passe de changer sa vie. Les textes sont libératoires et la musique accompagne parfaitement un texte qui suit pas à pas l’envie de s’échapper et la transformation en cours. Il y a dans ces approches féminines, intimes et en même temps assez universelles pour parler à tous/toutes, une ambition et une portée qui sont très intéressantes pour la suite. On pense à Kristin Hersh et à cette école du rock américain des années 90, en écoutant le final tourné vers l’avenir de ce beau titre, mais aussi à une voie plus trip-hop et soul qui est parfois présente, notamment dans les productions live du groupe.

L’ensemble est cohérent et séduisant mais manque à ce stade de caractère et d’un élément distinctif par rapport à ce qu’on a pu entendre ailleurs. Easily tâtonne et ne convainc pas vraiment, hésitant quelque part entre la lisibilité d’une Kate Bush d’aujourd’hui et la prise d’espace des… Chemical Brothers. Roseland boucle son affaire en français, ouvrant une autre direction envisageable pour un groupe appliqué mais qui ne semble pas avoir fait son choix entre tous les possibles qui s’ouvrent à lui.

To Save What Is Left séduit par la pureté de ses intentions et les belles dispositions qu’il laisse entrevoir mais ne présente pas suffisamment d’impact pour marquer au delà de sa belle présentation. On reverra cela néanmoins avec plaisir.

Tracklist
01. Old
02. The Window
03. Rev
04. Those Fairytales
05. Christmas
06. Delta
07. Too Much
08. Faster Than You
09. Easily
10. Tu n’arrêtes pas
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