Le LP ne sort que le 7 décembre mais, sur la foi de ce premier morceau, le nouvel album de The Bevis Frond pourrait être suffisamment fort et puissant pour faire revenir à eux tous les fantômes nés à la fin des années 60. We’re Your friends, Man, le single, précède We’re Your Friends, Man, l’album et fait immanquablement penser par sa douceur et la précision de sa composition aux incroyables morceaux du regretté Arthur Lee et de son combo angelinos Love. La voix de Nick Saloman n’a pas la même lisibilité que celle de Lee mais fait planer sur ce titre, folk et enchanteur, un vent de quiétude et d’amour de son prochain qu’on croirait venu tout droit des sixties. Le morceau est magnifiquement écrit et composé, accompagné par une guitare classique qui fleure bon la gratouille au coin du feu, la fumette et la paix des familles. La voix est apaisée et apaisante et renforce à merveille le message réconfortant de la chanson.
L’album (qu’on a eu la chance d’écouter déjà) n’est pas aussi paisible que ce premier morceau et se caractérise même par une dilution un rien psychédélique des sources d’inspiration. Il nous conforte cependant, et après les rééditions récentes entreprises par Fire Records des albums emblématiques et historiques du groupe, que le Bevis Frond est notoirement sous-estimé. Pas assez homogène ou rentre dedans, pas assez hâbleur ou scandaleux, pas assez sexy et séducteur, Nick Saloman paie sans doute aujourd’hui sa discrétion entre 2004 et 2011 et paradoxalement une prolixité trop exigeante pour les lois du marché. On ajoutera à cela que le genre dans lequel évolue le groupe depuis des décennies, entre guitares à la Hendrix et poésie à la Lee n’est pas ce qui se fait de plus tape à l’oeil, ni de plus moderne sur le marché, et on aura tout compris de ce qui pourrait bien être l’un des secrets les mieux gardés de la pop anglaise. The Bevis Frond assure la liaison souterraine entre le rock psychédélique américain et la scène folk anglaise, un métissage atlantiste qui se noua principalement dans les clubs londoniens de la fin des années 60 et des années 70 et dont on ne trouve malheureusement plus beaucoup de traces aujourd’hui. Avec une carrière démarrée dans les années 80, le Bevis Frond est le lointain descendant d’une histoire qui s’ignore. Il est temps de réviser les classiques. Il y a eu quelque chose entre les guitares en bois et le jour où Dylan a inventé l’électricité.