Noël approche et il est temps de penser à garnir la hotte avec des super-coffrets. C’est la période qui veut ça : les amateurs de musique et d’intégrales à petit prix se régalent de plein de choses délicieuses, de raretés ou, abusés par les offres spéciales, de machins montés à la va vite et qui ne proposent pas autre chose qu’un montage malhabile de titres archiconnus et de chutes de studio. Le coffret des années Decca des Small Faces est, cette année, en tête de notre liste de recommandations pour une double raison. La première c’est que, zut, on avait pas beaucoup réécouté le groupe de Steve Marriott et Ronnie Lane depuis pas mal d’années et quasi oublié combien cette musique, produite au milieu des années 60, était époustouflante. La seconde, c’est que ces 5 disques, agrémentés d’un beau livret de plus de 70 pages, ont fait l’objet d’un montage plutôt bien fichu s’adressant à la fois aux connaisseurs et aux profanes. C’est peut-être le seul reproche qu’on fera à cette belle initiative : le coffret mêle une approche niveau débutant symbolisée par le disque 1 en forme de best-of et une approche plus pointue qui fait s’enchaîner ensuite les raretés ou versions alternatives et se termine brillamment par un disque fabuleux de BBC Sessions.
On ne va pas passer en revue les 5 disques, sachant qu’il y a très peu à jeter ici, rien d’inécoutable ou de sacrifiable, mais plutôt s’intéresser à ce qui fait l’intérêt des Faces dans une période bénie des dieux de la lyre et de la guitare. On ne rappellera pas que ces types avaient à faire face à l’époque à une concurrence du feu de Dieu et ont réussi à tirer leur épingle du jeu sur la bonne foi de titres comme All Or Nothing ou Itchycoo Park (absent du coffret car postérieur à la période Decca). L’histoire du groupe elle-même fait partie de ces saga rock qu’il paraît présomptueux de résumer en quelques lignes. Le groupe se forme en 1965 à London autour de Steve Marriott et Ronnie Lane. Marriott est alors serveur dans un bar qui fait en même temps boutique de musique quand Lane y entre avec son père pour s’acheter une basse. Les deux jeunes hommes discutent et se retrouvent très vite chez Marriott pour écouter des disques, avant d’assez vite créer leur propre formation. Le nom du groupe est trouvé quasi immédiatement et fait référence à la… petite taille des membres du groupe mais aussi et déjà aux fringues puisque « a face » désigne dans ces temps quelqu’un qui a « la classe à Vegas ». Pour aller vite, le groupe se concentre d’abord sur des reprises de musique soul ou RnB, puis Marriott et Lane se lancent et composent des titres plus vifs et bruyants : c’est comme cela que naît l’orientation « mod » du groupe : un mélange de décontraction soul, de pose « black » et de rock américain des années 50. C’est ce cocktail détonnant, à la fois revêche et dansant, qui caractérise leur premier album, Small Faces, premier et quasi seul chez Decca, en même temps que se signale la voix extraordinaire de Marriott, très à l’aise dans les modulations et d’une belle puissance. Le groupe fait un malheur dans les milieux prolétaires londoniens, là où les jeunes viennent picoler et remuer la tête. Ces premiers mois d’existence sont décisifs dans la carrière des Small Faces : ils gagnent une assise populaire qui ne fera que croître par la suite et une sorte de « street credibility » auprès des Teddy Boys et des tauliers des clubs pour hommes.
C’est fort de ce démarrage remarqué que les Small Faces poursuivent leurs années Decca Records. Dans l’industrie de l’époque, le label leur cherche un «positionnement image » et on retrouve cela sur le coffret. Ils enregistrent une série de singles en 1965-66 dont Whatcha gonna do about it qui entre assez haut dans les charts. Le suivant I’ve got Mine marche moins bien, ce qui n’empêche pas le groupe d’apparaître dans un film policier, au grand complet peu après, en tant que groupe. Cette période est malgré tout assez agitée pour le groupe qui éjecte Jimmy Winston et le remplace par le clavier Ian Mc Lagan dont le jeu virtuose constituera une base musicale décisive pour le reste de la carrière des Faces. En 1966, le groupe élargit son registre, alternant des singles plutôt entraînants dont le classique Sha la la la lee, composé par Mort Schuman qui cartonne, et des choses nettement plus rock et audacieuses comme ce Come Children absolument incroyable et qui figure sur le best of. Comme les Beatles, on sent que les Faces valent un peu mieux que ces hits qui les propulsent tous les trois mois dans les charts et qu’on a taillés pour eux. All or Nothing, une chanson écrite par Marriott après une rupture sentimentale marque le premier grand succès signé véritablement par le groupe sur ses propres moyens. Paradoxalement, le groupe ne sort sur la période aucun album et une première rupture intervient avec Decca. Un album suit ensuite, lui aussi appelé Small Faces (comme le premier donc), puis une édition par Decca d’un album, From The Beginning, qui mêle premiers singles, hits et déjà ( !) des raretés. On y trouve Baby Dont You Do It qui est chanté par Winston et qui est véritablement à redécouvrir pour son côté transgressif. On tombe ensuite en 1967-68 dans la période bénie du groupe qui culminera en 1968 avec ce que tout le monde considère à raison comme leur chef d’œuvre Ogden’s Nut Gone Flake. Le coffret s’arrête de toute façon en 1967, c’est-à-dire véritablement avant que le groupe ne passe tout à fait du statut de groupe prometteur et qui sort du rang à celui d’un groupe génial mais feu-follet. Cela n’enlève rien du tout à la qualité des enregistrements qui sont regroupés ici. Il faudra juste aller pousser la curiosité un peu plus loin pour prolonger l’expérience et couvrir toute la dimension des Faces, notamment en s’achetant dans la foulée la réédition deluxe du dit Ogden’s sortie il y a quelques années (3CDs).
Historiquement, du coup, possible qu’on s’arrête ici pour cette fois (le groupe se sépare dans la foulée ou presque). Ogden’s est à la fois soul, rock, psychédélique. Il est mod et s’il n’est pas forcément en 1965-67 en avance musicalement sur son temps, au cœur d’un mouvement qui va mêler les racines prolétariennes anglaises et les influences soul et Rnb venues d’Amérique. Le coffret saisit Marriott et sa bande à ce moment précis où tout est digéré et rassemblé dans un cocktail original et d’une efficacité incroyable. La fin du best of est à cet égard époustouflante : on se croirait chez Big Star pour les guitares offensives mais avec une dimension soul beaucoup beaucoup plus prononcée. Le point commun entre les deux formations repose peut-être sur ce socle soul et « black » du leader : Marriott d’un côté, Chilton de l’autre sont tous les deux venus au rock par la musique populaire et par le soul et le rock des années 50. Chez Big Star, l’influence de Bell emporta le tout vers l’univers pop, ce qui n’est évidemment pas le cas pour les Faces. C’est cette dimension fondamentale chez tout un pan du rock anglais à venir qu’il faut traquer chez les Faces et qui sera fondatrice pour l’ensemble du courant mod. A cet égard, la période couverte par le coffret 5 disques n’est pas la moins intéressante et permet d’éclairer pas mal de productions ultérieures depuis Paul Weller, Television Personalities jusqu’à Julian Cope, ou même les Clash, les Libertines et une grande partie de la brit pop. L’influence des Small Faces est probablement moins décisive que celle des Beatles mais leur permet de conserver une aura de groupe décisif « qui aurait pu mieux réussir » qui en attirera plus d’un. Pour ceux que les anecdotes amusent, les groupes qui logent à l’hôtel leur doivent une invention qui fera date dans le rythme de vie rock n’roll : la party room. C’est une pratique (inventée par les Faces) qui consiste lorsqu’on réserve un hôtel à réserver une chambre supplémentaire pour y… faire la fête entre amis….. Il n’y a pas de petites inventions.
Histoire de finir en parlant musique (et puisqu’on ne l’a pas dit au début), rappelons que ce somptueux coffret (qui en appelle d’autres) célèbre juste le 50ème anniversaire de la sortie du premier album des Small Faces chez Decca. Depuis, tous les membres originaux sont morts à l’exception du batteur qui a réuni les titres et supervisé le remixage. Allez fouiller en priorité les BBC sessions qui donnent toute la mesure du groupe de l’époque : majestueux, très professionnel et d’une liberté incroyable. On n’en dira pas plus.
GREATEST HITS: Worldwide singles As, Bs & EPs
01. What’Cha Gonna Do About It
02. What’s A Matter Baby
03. I’ve Got Mine
04. It’s Too Late
05. Sha La La La Lee
06. Grow Your Own
07. Hey Girl
08. Almost Grown
09. All Or Nothing
10. Understanding
11. My Mind’s Eye
12. I Can’t Dance With You
13. I Can’t Make It
14. Just Passing
15. Patterns
16. E Too D
17. Don’t Stop What You’re Doing
18. Come On Children
19. Shake
20. One Night Stand
21. You Need Loving
CD 2
SMALL FACES
Original UK LP Decca LK 4790
Released 6 May 1966
UK chart position: no.3
01. Shake
02. Come On Children
03. You Better Believe It
04. It’s Too Late
05. One Night Stand
06. What’Cha Gonna Do About It
07. Sorry She’s Mine
08. Own Up Time
09. You Need Loving
10. Don’t Stop What You’re Doing
11. E Too D
12. Sha La La La Lee
CD 3
FROM THE BEGINNING
Original UK LP Decca LK 4879
Released 2 June 1967
UK chart position: no.17
01. Runaway
02. My Mind’s Eye
03. Yesterday, Today And Tomorrow
04. That Man
05. My Way Of Giving
06. Hey Girl
07. (Tell Me) Have You Ever Seen Me
08. Take This Hurt Off Me
09. All Or Nothing
10. Baby Don’t You Do It
11. Plum Nellie
12. Sha La La La Lee
13. You’ve Really Got A Hold On Me
14. What’Cha Gonna Do About It
CD 4
RARITIES & OUTTAKES
01. Come On Children (alternate version)
02. Shake (alternate version)
03. You Better Believe It (alternate version)
04. Own Up Time (alternate version)
05. E Too D (alternate version)
06. Don’t Stop What You’re Doing (alternate version)
07. What’s A Matter Baby (alternate mix)
08. What’Cha Gonna Do About It (alternate version)
09. Sha La La La Lee (stereo version)
10. Runaway (alternate mix) (stereo)
11. That Man (alternate mix)
12. Yesterday, Today And Tomorrow (alternate mix)
13. Picanniny (backing track)
14. Hey Girl (alternate version)
15. Take This Hurt Off Me (different version)
16. Baby Don’t You Do It (different version)
17. My Mind’s Eye (early version) (mono)
18. Talk To You (take 5 backing track)
19. All Our Yesterdays (take 7 backing track)
20. (Tell Me) Have You Ever Seen Me (alternate take 2)
21. Show Me The Way (take 3 backing track)
22. I Can’t Make It (take 11 backing track)
23. Things Are Going To Get Better (take 14 session version)
CD 5
BBC SESSIONS
BBC Studios – Saturday Club – 23-Aug-65
01. Interview with Steve Marriott 2. What’cha Gonna Do About It (BBC Session version)
03. Jump Back (BBC Session version)
04. Baby Don’t You Do It (BBC Session version)
BBC Studios – Joe Loss Pop Show – 14-Jan-66
05. Sha La La La Lee (BBC Session version)
06. What’cha Gonna Do About It (BBC Session version)
07. Comin’ Home Baby (BBC Session version)
08. You Need Loving (BBC Session version)
09. Steve Marriot Pop Profile Interview
BBC Studios – Saturday Club – 14-Mar-66
10. Shake (BBC Session version
11. Interview with Steve Marriott
12. Sha La La La Lee (BBC Session version)
13. You Need Loving (BBC Session version)
BBC Studios – Saturday Club – 3-May-66
14. Interview with Steve Marriott
15. Hey Girl (BBC Session version)
16. E to D (BBC Session version)
17. One Night Stand (BBC Session version)
BBC Studios – Saturday Club 3-Aug-66
18. You’d Better Believe It (BBC Session version)
19. Understanding (BBC Session version)
20. Interview with Steve Marriott
21. All Or Nothing (BBC Session version)