On ne sait pas si c’est l’approche de la Coupe du Monde de Rugby qui a éveillé les appétits guerriers des Sud Africains de Dookoom mais le clip tout juste révélé illustrant le deuxième titre de leur récent EP est particulièrement… euh….(d)étonnant. Accompagné de la toujours bien nommée Lilith, le chanteur et principal animateur du groupe baptisé Isaac Mutant évolue en bonne compagnie dans un clip qui mêle amours étranges, bain de sang et lutte gréco-romaine. Avec cette vidéo réalisée par le photographe assez côté Pieter Hugo, Dookoom devrait confirmer sa réputation de groupe le plus subversif du pays. Il y a quelques années déjà, le groupe avait fait parler de lui en mettant en scène la révolte de fermiers noirs armés de fourches contre l’oppresseur blanc. Dans un contexte très chaotique où les politiciens noirs ont finalement bien profité de la fin de l’apartheid, le groupe s’est retrouvé la cible de tout l’establishment, passant à deux doigts d’une interdiction pure et simple.
Loin de s’assagir, le groupe Dookoom (qui fait référence à un terme de patois local désignant à la fois le nègre et une créature mystérieuse et malfaisante) revient cette année plus fort avec ce EP incendiaire et les clips qui l’accompagnent. Sur Dirty, ce nouvel extrait, la musique est rude, hypnotique et évacue toute idée de mélodie voire de musicalité, pour se concentrer sur une pulsation sanguine et martiale. La musique de Dookoom apparaît aujourd’hui si radicale qu’elle fait passer le hip hop déjà trash de Die Antwoord, le seul vrai groupe qui a émergé ici, pour une sorte de mise en scène tape à l’oeil ou un produit commercial. Il faut dire qu’entre Isaac Mutant, Lilith et le beatmaker Human Waste (« déchet humain »), Dookoom a tout pour plaire. Côté textes, ce n’est guère mieux, comme si le poète Mutant essayait d’exorciser par la parole tous les démons de l’Afrique du Sud. On parle ici sexe, sang, mort , haine de l’autre, baston et accessoirement drogues dures. Dookoom est le symbole et le symptôme d’une Afrique du Sud qui n’a jamais été si proche de l’explosion et où toutes les lignes de fracture ont été dissimulées plus que réellement pansées ou rétrécies. Entre musique industrielle, musique tribale (on pense parfois à un anti-Scalper) et hip-hop aux connotations EMO(globine, dans le cas présent), Dookoom a parfois également de faux airs d’un Can barbare ou d’un groupe trash venu pour nous faire la peau.
Si l’on veut se rassurer, on peut toujours penser que cette musique extrême permet aux mauvaises vibes de se répandre dans l’air chaud et électrique d’un dancehall ou d’une boîte, plutôt que de faire couler le sang à la maison ou dans la rue. Cathartique ou pas cathartique, on peut prendre un certain plaisir à s’immerger jusqu’au cou dans cette bouillie épaisse, tel David Carradine sautant à l’élastique du haut de son armoire. Comme on a du bol, le groupe, déjà passé en France au printemps, devrait bientôt et à nouveau tourner en Europe. Faudra bien sûr planquer femmes et enfants.