Linda Guilala / Espacio De Tiempo (2009-2019)
[Elefant Records]

9 Note de l'auteur
9

Linda Guilala - Espacio De Tiempo (2009-2019)Avec 22 titres en 78 minutes, Linda Guilala, trio de la magnifique région de Vigo en Espagne, ne fait pas dans la demi-mesure pour résumer les 10 premières années de leur jeune carrière vues sous l’angle d’une sélection de leurs innombrables singles et diverses apparitions sur des compilations. Formé sur les cendres de Juniper Moon par Eva López et Iván González, le trio n’a pour le moment jamais vraiment convaincu sur la longueur. Leur premier album inaugural en 2009, Bucles Infinitos était très inégal, trop marqué du sceau d’une indie pop espagnole éléfantesque pas toujours passionnante. Le second et plus récent Psiconáutica en 2016 s’avérait plus intéressant mais trop monotone et basé sur un concept hypocondriaque assez étrange, pour ne pas dire dérangeant. Non, de toute évidence et depuis leurs débuts en fait, les galiciens sont bien plus à l’aise en format court et si l’on en juge par le nombre impressionnant de singles physiques et digitaux qu’ils ont sorti en dix ans, il semblerait qu’ils en soient conscients.

Faisant fi de toute chronologie et de toute exhaustivité (le fan y trouvera sans doute des manques), le groupe retrace sa carrière depuis ses débuts sur Eléfant en faisant une belle place au mini-album (ou gros EP) Xeristar sorti en 2014, indiscutable charnière dans la recherche de son identité musicale et retrace le chemin qui l’a mené jusqu’à ces deux dernières années passionnantes. Principe en vogue dans les glorieuses années phares de la pop indépendante et des labels à 7”, il est à présent devenu assez rare de voir ainsi des groupes disperser des singles sur des structures différentes sans en plus que ne pointe à l’horizon un album à promouvoir. Pourtant, 2019 va donc voir Eva, Iván et Mari embarquer dans un tour du monde des labels, départ de la maison mère Elefant Records à Madrid, puis direction Londres chez Sonic Cathedral, Berlin avec Dreams Never End et enfin Sacramento, Californie sur Test Pattern. A chaque fois, un strict format single 2 titres, un visuel magnifique et quatre réussites totales, tout simplement brillantes.

Pourtant, niveau humeur, ça n’a pas l’air d’aller beaucoup mieux que sur le dernier album. Rien que dans les titres, il est encore question de noirceur, d’absence, d’insécurité et sous les aspects chantants de la belle langue de Cervantes semble se cacher en réalité un profond mal-être, un état dépressif sérieux et même l’évocation régulière de l’issue fatale qui créent un certain malaise pour qui se penche sur les paroles et y voit, forcément, une part autobiographique. Ce d’autant plus que pour qui ne maitrise pas la langue, cela passerait aisément pour des petites bluettes popinettes parfaitement inoffensives. En cela, Linda Guilala s’inscrit dans une longue tradition où mélancolie et mal-être sont de loin les meilleures muses qui soit. Pour tout dire, Eva López le porte un peu sur elle: de son doux visage rarement souriant caché derrière une longue mèche et de sa magnifique voix quelque peu détachée s’exprime une bonne part de la tristesse lancinante de ces chansons que contrebalancent des compositions de plus en plus abouties au fur et à mesure que le groupe gagne en maturité.

Dès les débuts réduite à une formule clavier, guitares et boite à rythme, la musique de Linda Guilala va, à partir de Xeristar, gagner en profondeur et en densité avec le passage d’Iván González à la batterie et l’apport d’éléments électroniques plus complexes. Dorénavant motorisées par une batterie particulièrement efficace, les chansons se développent aux sons d’une guitare omniprésente mais discrète et surtout de claviers généreux et inventifs au service de mélodies à toute épreuve. L’ensemble reste généralement hyper dynamique mais avec le temps gagne aussi en modularité, les trois instruments principaux et la voix trouvant un équilibre quasi parfait. Du coup, le textes peuvent bien parler d’envie de tout brûler et d’anti-dépresseurs, on se retrouve irrésistiblement entrainé dans un tourbillon parfaitement noisy pop ou profondément touché par des sorties plus lentes, imparables.

Ce qui n’est pas toujours gagné pour une compilation de ce type, celle-ci se trouve au final à faire preuve d’une certaine homogénéité et ne manque pas du tout de cohérence, les titres les plus anciens gagnant en intérêt au contact des plus récents. Elle fait également la part belle à quelques faces B qui, loin d’être anecdotiques, remportent même souvent la mise, comme le noisy chaloupé Ausencia es Presencia ou s’il ne fallait en garder qu’un, le somptueux Espacio de Tiempo, dense, émouvant, frissonnant qui donne son titre à l’ensemble, sans doute pas un hasard.

Alors sans aller jusqu’à comparer de façon audacieuse Espacio de Tiempo (2009-2019) au mythique Substance 1987 de New Order, force est de constater qu’une fois de plus, une compilation peut parfois faire un excellent album. Reste maintenant au trio à trouver enfin la formule idoine pour réaliser un véritable album ambitieux, à la hauteur de tous ces singles et qui leur ouvrirait à coup sûr les portes d’une reconnaissance largement méritée.

Tracklist
01. Lo Siento Mucho
02. Agosto
03. Mucho Mejor
04. Estado Natural
05. Cayendo (2a Recidiva)
06. La Última Vez (1a Recidiva)
07. Verano
08. Te He Cambiado
09. Cientos De Ovnis
10. Primavera Negra
11. Accidente
12. Sexta Dimensión
13. Ausencia Es Presencia
14. Mucho Más Joven
15. Chicas Guapas (Que Van A Trabajar En Moto)
16. Será Más Fácil
17. Cosas Nuevas
18. Espacio De Tiempo
19. Éxodo
20. Fobia Social II
21. Nadie Se Dará Cuenta
22. Un Millón De Zombies Más
Ecouter Linda Guilala - Espacio De Tiempo (2009-2019)

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