La colère de Bob Mould lui va si bien. Cela faisait quelques années que l’ancien leader d’Hüsker Dü n’avait pas rué aussi fort dans les brancards. Il faut dire que le contexte politique a de quoi faire sortir de ses gonds ce progressiste militant. Pas étonnant dès lors que son nouvel album (le quatorzième en solo), Blue Hearts, qui sortira le 25 septembre chez Merge Records, soit porté par un premier titre aussi rentre dedans et sonique.
American Crisis est le premier des quatorze morceaux d’un album enregistré rapidement à Chicago et que l’ancien Sugar a décrit comme la collection de chansons les plus protestataires qu’il ait jamais signée. Les profits de ce premier single seront reversés d’ailleurs au collectif LGBT du Minnesota et à une association Black Visions antiraciste. Le texte de la chanson marque clairement la scission entre ce qu’on désigne ici comme les deux Amériques. La scission/sécession est marquée de manière spectaculaire par le chanteur à travers son refus de se laisser approcher par quelqu’un qui émarge désormais dans le camp de l’obscurantisme trumpien qu’il désigne de manière explicite et radicale comme le ISIS évangélique.
I never thought I’d see this bullshit again
To come of age in the ’80s was bad enough
We were marginalized and demonized
I watched a lot of my generation die
Welcome back to American crisis
No telling what the price is
Wake up every day to see a nation in flames
We click and we tweet
And we spread these tales of blame
Here’s the newest American crisis
Thanks to evangelical ISIS
People suffer in the streets each day
While you take a little change
From the offering tray
It’s another American crisis
You can see how the lives divide us
World turning darker every day
In a fucked up USA
Can you look in the mirror
And tell me everything’s alright?
This American crisis
Keeps me wide awake at night
You’re one of us
Or one of them
If you’re one of them
Don’t come near me…
American Crisis, la colère de Bob Mould
Autant dire qu’à l’échelle du rock américain, cette chanson est un brûlot et une charge frontale à la brutalité exceptionnelle pour un type comme Mould qui avait depuis dix ou vingt ans tenté de tenir un discours assez balancé et complexe. Le voir redevenir à ce degré d’affrontement binaire entre eux/nous est sans doute l’œuvre d’un désenchantement profond et d’un dégoût manifeste face à l’évolution du pays. La force du titre est dopée par la puissance de la section rythmique qu’il a reconduite pour cet album, à savoir le bassiste Jason Narducy et le batteur Jon Wurster qui, rappelons le, a fait ses classes chez Superchunk et ensuite chez The Mountain Goats.
American Crisis montre une nouvelle qu’en matière de punk rock, la colère est TOUJOURS bonne conseillère. On peut regretter évidemment que le chaos règne un peu partout et qu’il amène avec lui son lot de pertes et de fracas mais aussi se réjouir que cette explosion sociale et politique s’accompagne d’un retour du bruit, de la fureur et d’une violence inespérée. Croisons les doigts pour que Mould ne décolère et refasse saigner la guitare comme au bon vieux temps. Le combat n’est pas fini. Il débute.