Peter McPoland / Piggy
[Columbia Records / Sony]

9 Note de l'auteur
9

Peter McPoland / PiggyOn s’en veut encore une bonne année plus tard d’avoir raté son premier EP, Slow Down, en 7 titres et 21 minutes, qui posait les bases d’un travail à venir plus imposant et original. Slow Down était marqué fortement par les racines folk d’un jeune autodidacte de la guitare, biberonné (par ses parents) à John Prine et à Springsteen. A 22 ans, Peter McPoland revient avec un premier album, Piggy, au titre inspiré par Sa Majesté des Mouches, le personnage souffre-douleur dont les lunettes servent à faire le feu et qui finira (si notre mémoire est bonne) écrabouillé sous un rocher.

Cet album, plus incisif et abrasif que ce qu’on avait entendu jusqu’ici, constitue l’une des très belles surprises de la rentrée et vient se ranger dans ces récits alternatifs d’une Amérique paumée, semi-rurale et un brin désespérée aux côtés du premier album de l’ami Jackson Scott dont on est, ceci dit en passant, à peu près certain que le retour est pour bientôt. Peter McPoland officie dans un registre plus propret mais qui sonne particulièrement abouti, inspiré et époustouflant sur cet album.

Le gamin a émergé comme d’autres en postant sa musique sur Tik Tok. A 22 ans à peine, il débarque de nulle part et se retrouve lancé dans le grand bain chez Columbia / Sony. Même pas peur. Mold envoie la sauce d’emblée avec une rythmique cradingue, un son étagé qui parle immédiatement et renvoie à un mélange de solitude, de frustration extrême et de combativité qui s’exprimera tout du long. Les compositions sont solides à l’image d’un Blue qui démarre comme une imitation à deux temps des Pixies avant de s’ouvrir sur une lamentation au ralenti où l’on croise les fantômes de Kurt Cobain, de Dinosaur Jr ou, plus près de nous, de l’immense Philip Roth. Le texte est un choc :

I sound like a baby
Admit it
I sound like a whining excuse and a dick
I sound like it’s time to turn blue and give in
I sound pretty righteous
Who gives a shit?
Listen up
Come close
I’m fucked
I froze
What I said
I didn’t mean
Don’t slow down for me

C’est le loser de Beck, essoré et chanté à genoux, sans ressort et avec des couches de guitare « de vieux » qui font penser à du John Perry en pilotage automatique. Mais que c’est bon et bien fait ! On n’a pas affaire avec McPoland à un énième américain déprimé et brouillon. Si le gamin fait partler de lui sur les réseaux, c’est parce qu’il a aussi le sens du rythme et la capacité à poser des hits aussi évidents qu’un Make It Stop, qui ressemble à un décalque (pour la mélodie vocale) de l’Interpol des débuts avec la décontraction punk de Wavves. Les gonzesses et les minets vont adorer. Nous aussi. On pourrait reproduire chaque texte de chansons sur cet album et en faire un étendard générationnel. Prenez par exemple I Need You. C’est la perfection absolue, un petit monument pop, désespéré et sentimental :

Why is there a pounding in my brain?
Why is it starting to feel good?
What is that sound you’re playing?
Why is it starting to feel good?

Why is there something in my eye?
Why is it starting to sink in?
Why am I happy? It’s making me cry
Why? ‘Cause it’s starting to sink in

Starting to sink in
Starting, starting to sink in
Starting to sink in
Starting to sink in, starting

Starting to sink in
Starting to sink in
Starting to sink in
Starting to sink in
Starting to sink in
Starting to sink
Starting to sink

Tellement simple et évident qu’on en ferait notre titre de l’année sans hésiter. Il n’y a aucune erreur sur ce disque, quasi aucun titre faible (Were You There? peut-être). On pense à Fews pour l’usage des guitares et des effets, les petits tunnels noisy qui flattent l’oreille et conduisent la colère mieux qu’un fil de batterie. Difficile de dire ou d’écrire autre chose : Dog vient chercher Muse sur son propre terrain, celui de l’emphase et du son à double fond. Le gamin pourrait finir dans un stade avec de tels hymnes. McPoland sonne comme un lointain cousin de Sparklehorse, avec cette même capacité à passer de la pop au rock sur un mouvement de tête, mais un Sparklehorse qui aurait remplacé les Beatles par les Stooges en pierre d’angle. L’ensemble est plus enlevé, presque joyeux dans la débâcle à l’image de l’excellent Ceiling Fan/ Piggy. On pense parfois aussi aux premiers disques de Dylan Baldi avec Cloud Nothings. Les deux hommes ont sûrement suivi la même école de composition. Le dernier tiers de l’album est un sans faute qui témoigne aussi d’une belle variété :  des influences cold wave, du bon rock US et du punk qui tâche. Find Me Out, c’est la résurrection de Jay Reatard et la beauté du diable. I Want You est la chanson d’amour la plus classe, la plus moderne et la plus directe de l’année.

Il est assez rare que ce genre de prodiges réussisse à maintenir un tel niveau de qualité très longtemps. Il faut saisir McPoland à l’instant où il est le plus haut, le plus frais et le plus vivace. Maintenant ou jamais. Son Piggy est à saisir maintenant et tout de suite.

Tracklist
01. Mold
02. Blue
03. Make It Stop
04. I Need You
05. Digital Silence
06. Dog
07. Were You There ?
08. Ceiling Fan/ Piggy
09. Find Me Out
10. Turn Off The Noise
11. I Want You
Écouter Peter McPoland / Piggy

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