Sur le papier, la promesse était belle.
Comme Nils Frahm s’était entiché du premier album de System, publié sur Scape en 2002, il a rencontré les Danois à l’occasion d’un concert. De fil en aiguille le pianiste devenu une véritable célébrité dans son registre a proposé à System de collaborer le temps d’un album. Il a donc livrer des boucles de piano, orgues et synthés aux mains expertes du trio de faiseurs de sons composé de Thomas Knak (Opiate), Anders Remmer (Dub Tractor) et Jesper Skaaning (Acustic) – ces trois-là collaborent aussi avec brio sous le nom de Future 3 ou People Press Play. En toute logique, on pouvait espérer que Plus (Morr Music), l’album né après deux années de travail de studio, soit la parfaite alchimie entre le minimalisme électronique des uns, voire même en y introduisant des inflexions dub (ce n’est pas pour rien que System a fait ses débuts sur le label de Pole), et des boucles séminales en noir et blanc de l’Allemand. D’autant que Nils Frahm a déjà collaboré plusieurs fois avec son pote Ólafur Arnalds pour des œuvres électro-organiques grisantes (le sublime Stare par exemple) ou encore avec Machinefabriek ou John Talabot.
Mais peut-être est-ce trop évident et puis tant mieux, les rencontres ne sont intéressantes que si elles transcendent la somme des talents en présence. Et c’est là que la déception pointe. Après avoir écouté les jolis motifs de Frahm, System a décidé de délaisser complètement le clicks’n’cuts pour bâtir de longues nappes éthérées en forme de papier peint sonore. C’est plutôt joliment monté, bien amené, impeccablement produit. On capte quelques très belles phrases musicales au piano plongées dans des décors énigmatiques, comme sur les deux morceaux qui ouvrent chacune des faces du LP (Open et Minus). Malheureusement, sur la longueur, Plus ressemble à un exercice de style destiné aux audiophiles et seule une écoute attentive au casque permet d’apprécier la qualité des compositions. Contrairement aux œuvres en solitaires de Nils Frahm, il s’agit plus de la bande-son de longs plans-séquences qu’une narration – il est d’ailleurs significatif que son nom n’apparaisse pas en signature de ce disque. Quant à System leur capacité à ciseler des mélodies en coupé-décalé semble être altérée. On attend que Stille s’emballe dans une relecture moderne et électronique du motif de Twin Peaks, que Drift réveille le fantôme de Seefeel ou que ce soit celui d’Arovane le temps d’un tour de Piste. Bref, on attendait « plus » de cet album qui se revendique explicitement de l’électronica du début des années 2000.