Duran Duran / Paper Gods
[Warner Bros. Records]

Duran Duran / Paper Gods Que les actuels pourfendeurs de Duran Duran lèvent le bras (pour recevoir leur punition) ! Adoubés par Nirvana (qui reprit Rio) puis par les Strokes (Julian Casablancas n’ayant jamais caché son admiration pour le célèbre groupe néoromantique), les auteurs de Planet Earth n’incarnent dorénavant plus l’esthétique ultra léchée des années 80. On peut même dire que les « Fab Five » ont directement influencé cette décennie qui vit l’émergence de la chaîne MTV, des premiers vidéoclips et de la série Miami Vice. Car s’il était justifié (quoiqu’un brin salaud) de pointer du doigt les tenues pirates et les dégaines garçons coiffeurs de la bande, ne pas oublier que Duran Duran avait totalement senti venir les grands changements visuels de l’époque (dès 1981 et un bowien premier album éponyme) : particulièrement, l’importance toute naissante du clip. En compagnie du wonderboy Russel Mulcahy (avec Steve Barron, l’autre grand nom de ce révolutionnaire médium publicitaire), les Duran s’affichaient sur des yachts, trinquaient au champagne et serraient les plus jolies filles. Une imagerie glamour que beaucoup prirent au sérieux, accusant le quintet de camoufler son vide musical derrière la prédominance du kitsch. Outre l’évidente ironie avec laquelle Duran Duran s’amusait à tacler l’époque (la vidéo illustrant le single Rio étant représentative de l’humour duranesque – Simon Le Bon se la joue James Bond puis finit à la flotte), les tubes, les singles et surtout les albums produits par DD l’attestent aujourd’hui de manière aussi flamboyante qu’hier : ce groupe, d’un strict point de vue musical, possédait… un don du ciel ! En excluant les éternels classiques Rio et Seven And The Ragged Tiger, rappelons également l’existence d’un pur… chef-d’œuvre : So Red The Rose, disque fantasque, burroughsien, que Simon Le Bon, Nick Rhodes et Roger Taylor enregistrèrent, en 1985, sous le nom Arcadia.

Forcément trop synchro avec l’époque, Duran Duran encaissa le terrible retour de bâton infligé par les 90’s. Sauf que, malgré quelques singles faiblards, la notoriété en baisse n’empêchait guère les bons albums, voire certaines fulgurances. Car, pour qui s’intéresse vraiment au (long) parcours des gloires de Birmingham, force est d’admettre que cette discographie ne connaît aucune honte, pas le moindre rejeton indigne. Grande force duranienne : avec New Order, Depeche Mode et les Pet Shop Boys, DD reste autant crédible en 2015 qu’il y a quinze, vingt ou trente ans.

Et donc, Duran Duran, right here right now, cela donne quoi ? Dans la continuité du précédent All You Need Is Now (vieux de cinq années, déjà), Paper Gods est un disque qui possède de très belles choses, du mi-figue mi-raisin et quelques atrocités (pardonnables).

Bizarrement, c’est lorsqu’il revendique son background électro que Duran Duran boit ici la tasse : l’affreuse eurodance de Last Night In The City (salopé par la geignarde Kiesza – Simon, lui, opte pour l’absence) ou le risible Danceophobia (les Duran se prennent pour Daft Punk – ou bien s’agit-il d’une parodie au vingtième degré avec Lindsay Lohan en guest défoncée ?). En revanche, le single Pressure Off donne en premier lieu la sensation d’un gros loukoum, et puis séduit au fil des écoutes (avec Nile Rodgers aux manettes, le groupe s’offre une continuation à The Reflex – cris de la foule inclus). Idem pour l’étrange et beau Paper Gods, long de sept minutes mais divinement séduisant.

Pourquoi Duran Duran survit-il à l’érosion ? Simplement car le quintet réussit à écrire des souplesses telles que You Kill Me With Silence (et ses gros clins d’œil vers The Chauffeur, autrement dit vers la plus belle chanson jamais écrite par DD), What Are The Chances ? (dominé par l’impressionnante voix de Simon, celle-ci reléguant l’apport de John Frusciante au stade anecdotique) ou l’hilarant Sunset Garage (retour en force des textes sardoniques chez les Duran)…

A mesure des écoutes, Paper Gods semble indiquer que DD revisite (en partie) son passé ; que le groupe, n’ayant rien de rien à prouver, jongle avec ses propres références (Nile Rodgers, The Chauffeur, la starification mise en abyme, l’électro-funk planétaire). En sus, la pochette de l’album paraît valider cette hypothèse : le fan y redécouvre le gros sumo et la pin-up boueuse de Girls On Film, la bouche légendaire de Rio, le téléphone rose et le cocktail aphrodisiaque iconifiés par Mulcahy, la casquette gay de l’émission Queer Eye For The Straight Guy, et puis un fauve Hungry Like The Wolf… Duran Duran nous sourit avec amour. Bien revanchard serait le natif 80’s refusant un tel baiser (sur la bouche) !

Tracklist
01. Paper Gods (feat. Mr. Hudson)
02. Last Night in the City (feat. Kiesza)
03. You Kill Me With Silence
04. Pressure Off (feat. Janelle Monáe and Nile Rodgers)
05. Face For Today
06. Danceophobia
07. What Are The Chances?
08. Sunset Garage
09. Change the Skyline (feat. Jonas Bjerre)
10. Butterfly Girl
11. Only in Dreams
12. The Universe Alone

Deluxe Edition Bonus Tracks:
Planet Roaring
Valentine Stones
Northern Lights

Ecouter Duran Duran - Paper Gods

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