On est pas toujours certain de vouloir écouter ce genre de musique mais d’aucuns éprouveront au contact de ce duo Paupière, groupe protéiforme originaire de Montréal, un frisson nostalgique venu de la fréquentation ancienne de Human League, Erasure et autres ténors d’une synth pop glaciale et sensuelle venue des années 80. Le chant est en français et trouble encore plus. Julia Daigle et Pierre-Luc Bégin ressuscitent avec brio cette sensation de flotter hors du temps et de se tenir, jeune, dans l’abri de sa chambre, en laissant couler sur nous le flot surréaliste qui provient de notre radio FM. Mélange de promesses hédonistes, de danse sensuelle et qui précède la découverte du sexe, mais aussi de confrontation à la cruauté adulte, la musique de Paupière est délicate, onirique, envoûtante et paradoxalement un peu indifférente. La sensualité qu’elle exprime a les hanches d’une Sylphide qui fume une cigarette sur le vaisseau d’Albator et la matérialité d’une succube en chemise de nuit préraphaélite.
Le titre de ce premier morceau, Sade Sati, renvoie à l’astrologie indienne et s’accompagne pour ceux qui s’intéressent à ça de toute une mythologie lunaire où l’on côtoie des Doppelgänger un brin effrayants et sexy, une réminiscence tous les sept ans et demi qui désoriente, disperse et nourrit, ainsi qu’une sorte de flou existentiel. La musique de Paupière s’écoute les yeux mi-clos et s’impose comme un hymne à la perte de contrôle, au flottement et à l’élévation subliminale. Cette dimension spirituelle, couplée au néoromantisme et à la sensualité du filet de voix de Julia Daigle, produit un drôle d’effet de désorientation et de séduction qui constitue l’épicentre de cette proposition. Le Sade Sati est le moment de vérité où le passé resurgit et où se noue le sort de l’homme ou de la femme pour les 22 et quelques années qui suivent. C’est dans cet instant de bascule que nous saisit et nous précipite la chanson aussi intrigante que mystérieuse.
Les rationalistes passeront leur chemin, comme ceux qui trouveront cela trop évanescent et dispersé. La musique de Paupière est faite pour les rêveurs, ceux qui aiment les nuits blanches et cet instant précis où on perd/gagne connaissance dans le sommeil du matin. Le voyage astral continue le 7 mai avec un nouvel album, le deuxième, pour voyager loin loin et quitter son corps terrestre.