Allez, on s’en fiche ! L’actualité étant une notion à géométrie largement variable, on n’a qu’à dire que le 18 mai, date de sortie de ce single, ça n’est pas si loin. C’est vrai, à l’échelle d’une vie, c’est même rien du tout et celle des japonais de Sugar Plant a commencé il y a déjà bien longtemps. Voilà 30 ans, on découvrait d’abord par le biais de singles sur différents labels internationaux de l’âge d’or du 7″ (les américains Pop Narcotic et Sunday, l’allemand A Turntable Friend) la musique d’un duo japonais qui devait beaucoup au mythe Galaxie 500 mais laissait rapidement s’entrouvrir les portes d’un univers unique et passionnant. Le jeu de piste ne faisait que commencer et il allait falloir ruser et s’armer de patience pour suivre une discographie riche de 5 albums de 1995 à 2000 mais disséminée entre USA et Japon à une époque où l’internet balbutiant ne remplaçait pas encore les bacs imports chez les disquaires les plus aventureux et où les mail orders, ces catalogues de VPC artisanaux et pointus qui se démenaient pour aller chercher les perles rares aux quatre coins du monde ; parfois sans succès tant la tâche étaient ardue. Une disparition à l’orée du XXIème siècle et une réapparition 18 ans plus tard avec le magnifique Headlights sorti en 2018, on retrouvait le duo Chinatsu Shoyama et Shinichi Ogawa avec quelques rides et cheveux blancs en plus mais surtout un univers plus soyeux que jamais.
Blue Submarine et son pendant de face B Flow sortis en mai dernier donc apportent une nouvelle preuve de l’éternelle jouvence de Sugar Plant. C’est bien simple : tout ici frôle la perfection. La rythmique, ronde et capitonnée charpente des morceaux qui vont comme à l’habitude du groupe s’étirer sans vergogne (6 minutes 20, 5 minutes 25) pour laisser les claviers (souvent de fabuleux orgues électriques) et la guitare divaguer d’entrelacs de dentelle en arpèges de cristal on ne peut plus gracieux. C’est que dans cette musique délicate et lumineuse aux accents jazzy ou northern soul, on ne s’embarrasse pas trop de conventions indé et les solos voluptueux de Shinichi Ogawa nous réconcilient sans aucune peine avec cet aspect souvent honnis de la pop. Une musique bavarde, mais qui a tant de belles choses à dire.
Les productions récentes du groupe sont toujours aussi difficile à trouver, les anciennes souvent hors de prix mais heureusement, on a dorénavant fait de Bandcamp notre meilleur ami. On ne peut donc que vous inviter à vous rendre sur la page de l’actuel label du groupe, le japonais Kilikili Villa qui sort ce single et a également réédité deux de ses cinq premiers albums (Happy de 1998 et Dryfruit de 2000, en attendant les précédents) tandis que la propre page de Sugar Plant propose l’excellent album du retour, Headlights (2018) et un étonnant EP de 2019, Another Headlights, présentant des versions sensiblement dub-isées de l’album et tout autant charmantes, comme cette splendide reprise du North Marine Drive de Ben Watt. Mais bon sang, qu’il est doux de vieillir ainsi avec ses héros.