Pale Blue Eyes / This House
[Full Time Hobby]

7.1 Note de l'auteur
7.1

Pale Blue Eyes - This HouseÀ l’occasion du dernier album de Johnny Dynamite & The Bloodsuckers, on évoquait cette problématique tendance – mais naturelle – qu’ont les nouvelles pousses du rock à se laisser éclabousser par leur héritage. Le groupe Pale Blue Eyes n’en était pas épargné. C’est pourtant avec une précision de maîtres horlogers que les anglais nous reviennent avec This House, pile un an après leur première itération. Pour mémoire, l’album nous avait séduit sans pour autant nous marquer, la faute à une valise de références musicales (O.M.D.The Velvet UndergroundThe Stone Roses, Cocteau Twins, Cabaret Voltaire, etc.) sous laquelle le groupe ne croulait certes pas, mais se laissait définir par elle. Alors que Souvenirs (2022) gravitait (entre autres) autour du décès du père du chanteur, Matt Board, quelques années auparavant, This House se veut lui marqué par la brusque disparition de la mère, survenue pendant sa fabrication, prenant pour objet sa maison. Voyons si le groupe évite la redite, tout en se délestant de son parachute musical.

Coquard

Ça y est, on en est sûr. Le groupe trouve enfin sa signature musicale dans la célérité des doigts experts de Lucy Board, la claviériste. Un titre comme Takes Me Over souffle des bourrasques d’enthousiasme et de panache, les notes des claviers se voulant luisantes, délivrant quelques motifs de guitares superbes et une virée finale hantée par le spectre de The Cure. Les paysages défilent à toute allure sur les vitres, les bras des copains caressant le vent, fonçant vers une mer de fleurs. Le trio trouve donc ses marques. Mais malheureusement, pas de la plus idéale des manières.

Outre une maîtrise peu reprochable des claviers spécialement conçus dans la région du sud Yorkshire – qualité que l’on tempèrera juste par l’observation de trajectoires de synthétiseurs et guitares discutables sur Hang Out – le premier véritable problème du groupe est la voix de Matt : elle est trop fluette et pop, non à même de soutenir l’arsenal de guitares et de batteries marchant constamment au pas de charge. Matt chante comme du Two Door Cinema Club, ce qui ne sied pas à la dream pop (alors le krautrock, on vous en parle même pas!). On avait l’exacte même réflexion, dans un genre différent, à l’écoute de l’album disco pop de Girl Ray ! Il suffirait d’une voix supplémentaire, aussi cendrée qu’un Ian Astbury pour The Cult, pour rééquilibrer la chose, solidifiant la musique d’un groupe relativement clairsemé par son seul trio.

Mémo Dépôt

Mais encore ? La redondance. La duplication d’une même structure habillée de diverses manière est assez énervante, le groupe semblant vouloir masquer cela sous diverses tenues. Our History se veut accoutrée par un krautrock à la The Limiñanas allégé, puis le groupe se voit tantôt tenté par un Ride de goth rock avec Sister, tantôt par de la Pulp de surf rock sur Heating’s On, les trompettes ventant comme les Mayan Skies de The Stranglers. Les ambiances semblent changer au fil de l’album – et c’est agréable – mais cela reste bien vain, renvoyant trop souvent à nos meilleurs Souvenirs de l’album antérieur (Spaces ressemble beaucoup à Honeybear). Aubrey Simpson, le batteur, suit toujours un même automatisme, ce même réflexe rythmique, ne réussissant jamais au final à cacher cette fausse diversité. L’entrée en matière de l’album est, par exemple, peu enthousiasmante, l’exemple même de la chose à ne jamais louper dans un album rock. Nous pourrons néanmoins nous réjouir de quelques mutations internes à certaines pistes, Sister partant du goth pour mieux virer vers une shoegaze en diable, la chapelle vers laquelle ils retournent toujours. C’est cette musique dans laquelle il fait bon d’habiter.

On râle un peu, mais l’album reste amène, au poil pour filer sur le chemin du patelin. L’arrivée à la piste finale, Underwater, est l’occasion d’entrouvrir la nécropole de nos mémoires. On pense percevoir une silhouette familière en haut du perron ; entendons le bruit des graviers croustillant sous nos pas. Mais tous ces moments n’ont pas le temps d’apparaître qu’ils foncent déjà vers leur ensevelissement, avec pour unique avenir la bribe d’un souvenir dont nous ne sommes propriétaires. On aurait aimer qu’ils soient aussi évocateurs que – au hasard – les albums de Nation of Language. Les Pale Blue Eyes vont trop vite pour nous paraître des mirages, n’autorisant pas la plus parfaite communion avec eux.

Tracklist
01. More
02. Simmering
03. Hang Out
04. Spaces
05. Heating’s On
06. Our History
07. Million Times Over
08. Illuminated
09. Sister
10. Takes Me Over
11. Underwater
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