A l’échelle des spécialistes, les débats sur la place de Scott Kannberg dans l’excellence de Pavement sont du même niveau que ceux qui causent du rôle (immense) de Ringo Starr dans l’alchimie des Beatles. Pour la plupart des observateurs, il n’y a pas de question : Pavement, c’était Stephen Malkmus et une bande de copains pour l’accompagner. Mais comment expliquer alors qu’une fois le groupe séparé, le leader omnipotent et si génial (à l’exception peut-être d’un premier album pétillant) n’ait jamais rien proposé d’aussi bon ? Est-ce que les autres comptaient bien pour du beurre ? Est-ce que le départ de Gary Young n’avait pas enterré le premier âge du groupe et fait disparaître une bonne partie de son énergie punk circa 1992? Quelle était la place de Mark Ibold ? Pourquoi est-ce que Bob Nastanovitch est considéré comme un des piliers du groupe alors qu’il ne servait d’abord rigoureusement à rien, sauf à faire des cris de cheval ?
Discuter de Pavement avec de vrais fans a un côté ésotérique. Une chose est sûre, c’est que sur tous les albums du groupe, les chansons de Scott Kannberg n’étaient (euphémisme) pas les meilleures. Il y en a même qui étaient carrément merdiques. Encore qu’il y a des gens qui aiment Two States et Date With IKEA, mais pas nous. Depuis la fin des haricots (et puis la re-fin d’après la reformation tiroir-caisse), Kannberg a timidement entamé une seconde carrière. Preston School of Industry, son nouveau groupe, a signé deux albums plus qu’honorables et son précédent effort solo, The Real Feel, n’a clairement pas mobilisé les foules, même s’il y avait dessus quelques chansons attachantes. Spiral Stairs, son surnom et patronyme sous lequel il publie son nouvel album, n’aura eu d’importance au sein de Pavement que parce qu’il constituait (par ses velléités de compositeur interne et son goût de la pop) un contre-pouvoir (faiblard mais réel) à l’omnipotence de Malkmus. D’une certaine façon, on peut considérer que son rôle était là : un contre-feu et un garde-fou au même titre qu’Ibold et Nastanovitch bloquant leur leader dans son désir de devenir un guitar hero. C’est une thèse qui se tient.
Kannberg a malgré tout un sacré carnet d’adresses. Dorris and the Daggers, son album qui sortira donc le 24 mars chez Nine Mile/Domino/Coolin’ by sound, embarque du beau monde, à commencer par Jason Lytle de Grandaddy qui vient mettre un peu de peps sur ce premier morceau, l’assez moyen Dance (Cry Wolf). Plus loin, on aura droit à Matt Berninger (The National), à Kevin Drew et Justin Peroff de Broken Social Scene et à Adam Wade de Shudder To Think. Quelques figures du monde indé en escapade amicale. Pour le reste (c’est-à-dire la musique), on ne sait pas trop ce qu’il faut attendre du bonhomme : un album sympathique probablement et écoutable sûrement, avec quelques titres accrocheurs et des chansons passe-partout à la pelle, chantées elles-mêmes d’une voix passe-partout ou trafiquée, et accompagnées classiquement. Pas grand chose donc mais une musique vers laquelle on ira tout de même le sourire aux lèvres et un brin de nostalgie.
02. Emoshuns
03. Dundee Man
04. AWM
05. No Comparison
06. The Unconditional
07. Trams (Stole My Love)
08. Exiled Tonight
09. Angel Eyes
10. Doris and The Daggers
Si tu penses vraiment que Bob Nastanovich « ne servair rigoureusement à rien » dans Pavement, je suis désolé mais tu n’as strictement rien compris à ce groupe et aux racines de ce groupe. Bob a d’abord été intégré à Pavement pour suppléer le premier batteur Gary Young, un batteur extraordinaire mais qui deux fois sur trois était tellement déchiré qu’il ne tenait pas 15 minutes lors d’un concert. Puis Bob s’est imposé comme le ciment du groupe, comme une sorte de manager officieux, il était celui vers qui tous les autres membres (y compris Malkmus) se tournaient à la moindre complication. Bob est en fait l’unique raison pour laquelle Pavement a duré 10 ans -et son rôle allait bien au-delà de faire des cris bizarres sur scène. Enfin, tu ne sembles pas connaître grand chose à l’histoire de Pavement mais je suppose que tu es un grand fan des Smashing Pumpkins -c’est un choix (rires)
Tu as l’insulte rapide et facile, cher Remko. Si tu me relis, tu verras qu’il y a un « d’abord » dans ma phrase : « il ne servait d’abord rigoureusement à rien », le d’abord désignant justement ce que tu racontes, Gary Young, puis le passage à 2 batteurs puis le départ de Young. Nastanovich a expliqué lui-même qu’il était au départ roadie, le bon copain qui rend des services et qu’il n’avait aucune intention de franchir le cap de l’intégration au groupe. J’ai tout cela en tête et bien plus encore.
On peut débattre de la supériorité de Gary Young et des premières années sur la suite de la carrière de Pavement, mais loin de moi l’idée d’attenter à la mémoire de Bob N qui est comme tu l’expliques celui qui a permis au groupe d’exister si longtemps et d’ailleurs de faire souvent le lien entre Malkmus et Spiral Stairs. Je ne suis pas fan des Smashing Pumpkins en revanche. Et je crois que si j’alignais prétentieusement le nombre de fois où je me suis entretenu avec Malkmus et sa bande depuis 1994 (j’étais trop jeune avant), tu en mourrais de jalousie. N’hésite pas en tout cas si tu as d’autres apports à faire valoir. Tu en penses quoi au fait des qualités de songwriter de Spiral Stairs. Ta chanson préférée de Pavement est Date with Ikea ? Passat Dream ?