Étrange apparition en cette année 1987 (novembre) que les jumeaux (beaux) Goss chantant pour la première fois leur single When Will I Be Famous? en compagnie de leur comparse le bassiste écossais Craig Logan. Cheveux courts et très blonds, visage impeccablement dessiné et physiques proches de la perfection faite homme, l’allure semble dessinée pour les magazines de charme, option fantasme gay ou rêve (éveillé) de jeune fille en fleurs. Les Bros sont apparus avant de chanter. Ovnis insensés dont la perfection physique était renforcée (décuplée) par le mystère de la gémellité. Mais d’où venaient-ils ? Où allaient-ils et pour quoi faire ? De quoi Bros était-il le nom ?
Les Bros semblent avoir été inventés comme une forme alternative de boys band et en même une réponse anticipée à toutes les questions qui viendraient sur la célébrité. Découverts à Londres par le manager des Pet Shop Boys, Tom Watkins, les frères Goss, Luke et Matt (on reviendra sur leurs différences plus loin), deviennent un groupe à l’instant où le regard de Watkins se pose sur eux. L’homme qui les mènera au succès est roublard, un esthète anglais venu au début des années 80 vers le management d’artistes après avoir travaillé dans les milieux du design, de l’architecture et de la beauté. Watkins ne fabrique pas les Bros comme on fabriquera plus tard les Spice Boys ou les Take That mais renforce leur mimétisme et sélectionne avec eux une garde-robe qui renvoie à la fois à ses rêves de prince charmant (rêves partagés par les garçons et les filles) et de go go dancers. Pas étonnant qu’à la même époque, les charts soient dominés par le George Michael de Faith, icône gay insoupçonné (car encore clandestine) mais qui s’affiche dans le même attirail de clous brillants et de cuir que les deux blondinets. Watkins livrera plus tard une autobiographie au titre volontairement provocateur : Let’s make Lots of Money: Secrets of a Rich, Fat, Gay, Lucky Bastard qui ne rend pas tout à fait justice à son respect de la chose artistique. Contrairement à ce qui viendra, les Bros sont avant tout un groupe et avec Logan un vrai trio de musiciens, écrivant (à peu près seuls) leur musique et leurs textes.
The Smiths – I Don’t Owe You Anything
Après un premier single I Owe You Nothing, qui renvoie immanquablement au I Dont Owe You Anything de The Smiths (bah oui et qui plus est composé par une autre forme de gémellité en la personne de Morrissey et Marr), les Bros vont exploser avec leur deuxième single, le très dance pop When will I Be Famous?
En tant que telle, la chanson n’a rien de fantastique (elle est même très médiocre comme l’ensemble de la production du groupe) mais ne manque pas d’efficacité. Les arrangements synthétiques sont classiques pour l’époque. La rythmique est simple, sans variations excessives et répétée de manière assez mécanique du début à la fin. Le chant est aigu et l’ensemble rappelle de manière subliminale les sonorités qu’on a pu entendre la même année, et un peu avant, sur le Bad de Michael Jackson. Un brin funky, un poil soul anglaise, la dance pop des Bros incorpore une sorte d’élégance britannique où l’on peut voir la marque de Watkins et des échos bien sûr du travail de Neil Tennant et Chris Lowe. Mais la vraie différence se fait ici sur la tenue, la posture et les textes. Aussi étrange que cela paraisse, le succès de When Will I Be Famous? s’établit (ce qui est souvent le cas des tubes pop) sur une conjonction sémiologique où les astres semblent s’aligner.
When Will I Be Famous? se présente comme une conversation entre wannabe (gars ou fille) et ce qu’on suppose être son imprésario. C’est celui-ci qui semble mener sous forme d’un discours intérieur l’analyse psychologique du jeune apprenti star, dessinant un portrait en creux du jeune homme et de son ambition. La célébrité, ce qu’elle représente, est placée au coeur du débat comme l’obsession du jeune et la cible à atteindre. Le texte est habile proposant un portrait de la jeunesse plus complexe qu’il n’y paraît. Le jeune homme en question bénéficie d’un triple atout : celui d’avoir du talent, de savoir danser et d’avoir… lu Marx, signe de ralliement à la cause rebelle. Intelligent, beau, sachant danser : on peut évidemment lire dans ce texte de Matt Goss une forme d’autoportrait. Le communisme supposé du jeune homme renvoie aux tendances révolutionnaires de la jeunesse (valorisées en plein ère Thatcher – Morrissey, toujours lui, chantera l’année suivante Margaret on The Guillotine) mais aussi de manière plus discrète aux opinions politiques d’un autre duo à succès évoluant dans un style assez proche : The Communards. En 1987, ceux-ci ont sorti leur second album, Red, et cartonnent avec leur reprise par Jimmy Sommerville de Never Can Say Goodbye. L’esthétique du groupe est proche de ce que feront les Bros mais d’une manière déjà beaucoup plus moderne. La veste de Matt Goss dans le clip est rouge, tandis que leur code vestimentaire reprend à la fois l’esthétique des jeunes prolos (version revisitée des Teddy Boys), des gauchistes gay (skins de gauche) mais aussi du revival Nouveaux Romantiques, encore popularisé par un groupe tel que Duran Duran (dont l’album Notorious a été un triomphe l’année précédente).
Bros réussit ainsi une sorte de synthèse remarquable et quasi unique de l’ancien courant sophistiqué et d’une modernité déjà désinvolte et détachée du réel. En cela encore, dans une version évidemment moins aboutie et politique, Bros fonctionne comme un prolongement transgressif de l’héritage de The Smiths, une version atrophiée et désabusée des punks. Tordu ? Oui et non. Bros est un groupe complètement anecdotique, ce qui n’est pas tout à fait le cas de sa chanson qui grimpe très vite dans les charts et engendre sur le terrain une légion de fans qui seront baptisés les Brossettes. Le groupe est restreint mais mélange les cultures ouvrières et hédonistes qui font rage à Londres, les cultures straight et gays, l’articulation d’une conscience politique avec l’idée (qui sera cruciale pendant les 30 ans qui suivent) qu’il n’y a plus grand chose à faire et que la jeunesse est durablement flouée par les politiques et plus globalement par les conditions d’émergence de la réalité. Le décalage entre les attentes du jeune exprimées dans la chanson et l’offre sociale (demain, peut-être, tu auras ta place, ton rêve) est criant et exprime une forme de dissidence sociale qui sera constitutive du malaise social des décennies suivantes. D’une certaine manière, le rapport au monde des Bros annonce les épisodes grotesques de la téléréalité, la pop préfabriquée qui suivra. En 1987, on sort déjà de la médiocrité chic des années 80 incarnée par Duran Duran, Nik Kershaw ou Alphaville pour aller vers quelque chose d’un peu plus compliqué et authentique, mais empreint tout de même de poésie et d’idéalisme, qu’on peut retrouver chez A-Ha (Cry wolf sort en 1987 également). Avec Bros, on est déjà dans les années 2000 et pas encore dans les années 90….
La complexité de la jeunesse transparaît dans l’aseptisation de la figure sexuelle. Le look est certes différencié mais volontairement désexualisé, même lorsqu’il se présente de manière provocante avec des attributs érotiques évidents. (voir photo). Les chanteurs mannequins ne déferleront que 2 ou 3 ans plus tard mais Bros a déjà tout compris. Luke et Matt entretiennent le flou sur leur sexualité. Luke, le batteur, fait ensuite carrière dans le cinéma (Hellboy II, Blade II, entre autres) et se mariera en 1994. Matt se recycle en showman chanteur jusqu’à officier aujourd’hui de manière permanente à Las Vegas. Son dernier album est sorti en 2014 et sa dernière chanson, plutôt pas mal, en octobre 2016. L’homme est encore imprécis sur sa sexualité et raconte en interview faire l’objet de toutes les attentions de la part des femmes qui viennent l’admirer (en compagnie d’autres femmes). A la manière de George Michael dans ses plus belles années, il affiche une virilité que d’aucuns considèrent comme largement surjouée. Peu importe à vrai dire, Bros continue devant l’éternel à incarner une forme de troisième sexe qui n’a rien à voir avec les travestissements initiaux d’un Bowie ou les ambiguïtés savantes d’un Morrissey. A leur manière, les frères Goss annonçaient la grande vague métrosexuelle des années 2000 et 2010, de David Beckham à Justin Timberlake.
Matt Goss – Gone Too Long
Pour l’anecdote et avec le souci de montrer la richesse de leur univers esthétique, les plus observateurs auront noté que Matt Goss arborait sur le clip de When Will I Be Famous? une splendide ceinture Baphomet. C’est évidemment un symbole remarquable qui permet au chanteur de s’affranchir de toute tribu pour propulser sa tenue dans la modernité : ésotérique, post-gothique, le Baphomet (créature à tête de boucle) renvoie aux Illuminati et au satanisme, à une forme d’anti-rationalisme et d’ambiguïté par rapport à l’expression (capitaliste) de l’ambition sociale qui distingue cette génération des Bros de la précédente. La figure du banquier ou du golden boy, et de la courtisane, va s’effacer pour aboutir à une sorte de sophistication dandy détachée des valeurs tory. La nouvelle jeunesse est décomplexée et capable d’emprunter les symboles indifféremment de leur provenance et de leur marquage premier. Là encore, l’âge de raison a vécu pour donner naissance à une période de perte de repères, d’attraction/répulsion pour la richesse et la réussite matérielle qui va imprégner fortement les trois décennies qui suivront.
En octobre 2016, le groupe Bros a annoncé une série de concerts en Angleterre qui se tiendront en 2017. When Will I Be Famous? sera bien sûr du voyage. Le premier concert de la tournée se tiendra 28 ans jour pour jour après le dernier concert du groupe à Wembley, donné devant 70 000 personnes.
Bros – When Will I Be Famous?
When will I
Will I be famous?
You’re suitably at one with your body/ And the sun/ Yes/ You are!/
You’ve read Karl Marx and you’ve taught yourself to dance
You’re the best by far! But you keep asking the question/ Oh/ You’re not supposed to mention.
When will I
Will I be famous?
I can’t answer/ I can’t answer that.
When will I see my picture in the paper?
I can’t answer/ I can’t answer that.
You’re a slave to fashion and your life is full of passion
It’s the way you are!/ You’ve suffered for your art with the jogging in the park
You know you should go far! /But you keep asking the question
Oh
You won’t suffer in silence/You’re a talent/You know that I’ve noticed
You’d like to be a legend
A big star over night!
I can’t answer your question/ I can’t wait/ It’s driving me insane
And you’re impossible in patience/ Tearing at my brain!
When will I
Will I be famous?
I can’t answer
I can’t answer that.
When will I
Will I be famous?
I can’t answer
I can’t answer that.
Mais qu’est-ce qu’on peut raconter comme conneries pseudo politico merdico philisophico minables.
C’était un groupe pop à 3 tubes qui ont marqué 88.
Basta.
Arrêtez d’aller chercher des significations post modernes dans ce qui n’est rien de plus qu’un produit marketé.
Cher Jérôme,
Quel chapelet d’amabilités !
Vous aviez passé une mauvaise journée ?
Bien à vous.
David
Article mièvre et conclusions fondées sur rien… En revanche, la volonté de parler dès que c’est possible d’homosexualité est évidente, alors que l’on s’en fout et que ça n’apporte rien au texte… Vous devriez voir un psy pour lui parler de vos problèmes avec votre mère et de votre homosexualité refoulé. Mais tout le monde n’est pas comme vous… heureusement….
Bonjour Alexis, merci pour votre commentaire et les recommandations qui vont avec. Désolé que notre lecture, forcément subjective, ne vous ait pas plu. On espère vous retrouver pour notre prochain article sur les Communards.