Deafman Glance ou en français l’œil du sourd ! Ce titre du nouvel album du guitariste chanteur originaire de Chicago est une référence à la pièce de théâtre tragique et surréaliste créée par Robert Wilson en 1970. Avec cet opus, Ryley Walker nous propose 9 titres oscillant entre folk rock à l’esthétique jazz et psychédélisme bruitiste et expérimental.
Le jeu de guitare de Ryley Walker est assez élaboré ; en effet ce compositeur est plutôt à l’aise avec les enchainements d’accords enrichis aux couleurs jazz, et développe un jeu se rapprochant de celui de Bill Frisell, mais en moins complexe et plus mélodieux. Son chant est agréable, le timbre chaleureux et assez singulier. Cet album est donc partagé entre titres au format folk rock mélodieux, et ambiances psyché, avec le recours aux breaks rythmiques répétitifs, dans le pur esprit des formations jazz rock des années 70. On pense à certains disques de Jeff Beck de cette lointaine époque par exemple, pour les interventions du binôme basse batterie mais non pas en référence au jeu de guitare de ce dernier, considéré comme le ou l’un des meilleurs guitaristes de cette époque aux côtés de Jimi Hendrix. Le fait de choisir la flute comme instrument récurrent, renvoie également à cette période et fait penser avec ses mélodies surannées à certains titres de Nick Drake, ou encore à d’autres morceaux de Jethro Tull.
L’album s’ouvre avec le morceau In Castle Dome ; le tempo est hyper lent, la batterie lourde, le chant langoureux, la grille d’accord de la guitare est originale, les couleurs à mi-chemin entre modern blues et jazz. Pour appuyer l’impression de flottement du morceau, les notes des guitares sont jouées de façon très libre, des blanches, des rondes traversées d’arpèges cristallins et succincts. Le deuxième morceau intitulé 22 Days est super bien trouvé, plus rythmique que le précédent avec une batterie très présente introduisant des breaks transitoires répétitifs, puis l’arrivée du chant à l’interprétation très incarnée dont la mélodie est superposée à une grille encore ici novatrice ; comme quoi étudier la théorie musicale et l’harmonie est un plus pour se forger une identité musicale personnelle. Le morceau, qui dure pas loin de 6 minutes, format typique des compositions rock psyché, se termine par une coda bruitiste assez désagréable, rappelant dans un tout autre genre certains titres de Sonic Youth. La chanson Opposite Middle est ici plus conventionnelle, la mélodie vocale et les différentes harmonies instrumentales sonnent presque pop, l’atmosphère est plus légère, plus lumineuse. Là encore les rythmes de la batterie varient de temps à autres en donnant une impression de décalage, d’arythmie. Le titre qui conclue l’album, intitulé Spoil With The Rest est très agréable, le gimmick répétitif de la guitare est joyeux, la couleur du morceau sonne world, à tendance caribéenne ou africaine.
Les autres morceaux portent en eux ces deux éléments décrits plus hauts : esthétique folk rock jazzy et expérimentations sonores moins accessibles. Ce disque est donc assez singulier : ce n’est ni vraiment du jazz, ni réellement du folk rock indé mais c’est peut-être aussi cela qui lui donne sa singularité.
02. 22 Days
03. Accommodations
04. Can’t Ask Why
05. Opposite Middle
06. Telluride Speed
07. Expired
08. Rocks on Rainbow
09. Spoil with the Rest