Sandra Nkaké / Scars
([PIAS])

8 Note de l'auteur
8

Sandra Nkaké - ScarsIl y a du pathos et des drames chez la chanteuse Sandra Nkaké, des brimades et ces fameuses cicatrices (Scars) qui donnent leur titre au disque et qui affleurent, avec beaucoup de pudeur, dans nombre des treize chansons. Mais la voix et les arrangements d’une belle élégance empêchent le disque et les chansons de tomber jamais dans la facilité, le voyeurisme et la variété. La chanteuse française, née au Cameroun, réussit un disque fort, très agréable à l’écoute et qui évolue dans un registre soul presque traditionnel (l’ombre tutélaire de Nina Simone rôde) finalement assez peu exploré de cette manière millimétrée par les artistes françaises. Scars dégage une maîtrise du son et de ses effets qui lui confère un charme et une crédibilité que n’ont pas les artistes RnB et jeunots pressés par les cabotinages et l’envie de faire sensuel. Nkaké chante et c’est déjà beaucoup. Sur Under My Skin (en anglais), c’est sa voix qui occupe tout l’espace sur un accompagnement presque jazzy au service de sa prestation, souple sur le refrain et précis partout ailleurs. Elle chante aussi bien en français qu’en anglais (un peu en duala, la langue bantoue) et on résiste rarement à l’authenticité de ses livraisons. Sur Night Reflexions, l’un des meilleurs morceaux du disque, c’est un enchantement. La voix est agile, chaude, affirmée et suffisamment incertaine dans son vibrato pour qu’on adhère sans réserve à ce petit cours d’affirmation de soi.

With that light inside (oh, oh, oh)
Will my word reach the night? (Oh, oh, oh)
I’ve got this light inside (oh, oh, oh)
Flickering warm and bright, whoa-ooh
Years have gone
Now, I’m dwelling in a mansion that keeps me from wrong
(Ahh)
Boldly glowing
I carry on my will and stand there strong
(Ahh)

La jeune femme prêche la résilience, la renaissance et met en avant la résistance des femmes face aux traumatismes. Sur le splendide Sisters, elle parle des violences faites aux femmes et de la solidarité qu’elle appelle entre femmes. « As your lips turn to blue« , entame-t-elle directement pour désigner le coup qui bleuit le visage et la lèvre, avant d’accourir et de porter assistance à cette soeur blessée. La chanteuse est tout aussi à l’aise sur un Trois Feuilles qui ressemble (par son texte) à une chanson mi-réaliste mi-poétique des années 50. Les arrangements sont riches et la texture soyeuse et bienveillante. On est paradoxalement un peu moins fan des chansons les plus engageantes et uptempo comme Rising Up, presque seule dans son genre du reste, pour préférer les chansons de chanteuse sublimes qui vont du final magnifique et drakien, Nos Voix, à des titres remarquables comme Lose Control, autre chanson de renaissance et sommet du disque, ou l’incroyablement énigmatique et fascinant She Walks Alone. La voix de Sandra Nkaké donne des frissons et se balade dans un paysage poétique évocateur et flou à la fois qui est sublimé par un travail de production qui la transforme et lui donne des aspects assez différents (sur Singing Leaves, le grain est modifié comme si on la saisissait au saut du lit ou après avoir fumé trois paquets de cigarettes).  La production et l’écriture sont partagés avec Jérôme Dru, qu’il faut aussi féliciter pour avoir su trouver le bon dosage entre l’espace accordé à cette voix incroyable et des arrangements inspirés.

Il n’est pas si fréquent qu’un disque de soul à la française sonne aussi bien fabriqué, aussi bien produit, aussi bien maîtrisé. Sandra Nkaké fait un pas (artistique) de géante avec Scars et peut lorgner sans craindre la comparaison avec les grands disques soul américains du passé. On pense parfois à la grâce d’une Sade en écoutant la franco-camerounaise. Ce n’est pas rien.

Tracklist
01. La voix éraillée
02. Under My Skin
03. Night Reflections
04. My Heart
05. Sisters
06. Trois feuilles
07. Rising Up
08. Scars
09. Lose Control
10. Terre Rouge
11. She Walks Alone
12. Singing Leaves
13. Nos Voix
Écouter Sandra Nkaké / Scars

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