Raphaël Campana, plus connu sous le nom de Sheraf (rien à voir avec le groupe de rock angevin) vient de publier son 3e album sur le label Microcultures, après Just A Boy (2009) et No Gatecrasher (2011). Quatre années ont été nécessaires à la réalisation de ce disque et l’on sent d’emblée que le temps a été mis à profit pour un résultat qui ressemble fortement à ce qu’on appelle communément « l’album de la maturité ». Pourtant, les choses n’ont que peu changé depuis la dernière livraison du jeune homme originaire du Havre, et l’on retrouve avec joie cette voix immédiatement reconnaissable, proche de celle de Stuart Murdoch (Belle & Sebastian) ou même d’Unpoc (sorte de cousin éloigné).
Les douze chansons offertes ici bénéficient comme à l’accoutumée d’une production artistique exemplaire, ourlée, mélangeant avec science le rock anglais et des sonorités folk plus américaines. En parfait érudit de la musique actuelle, Sheraf connait son sujet et a su digérer lentement mais sûrement les nombreuses influences qu’on peut entendre tout au long de The Third Coming : le rock indépendant des années 90 (The Notwist et la discographie du label Morr Music en tête, les débuts folk de Beck Hansen), mais aussi de nombreux coups d’œil dans le rétroviseur vers le rock 70’s (on croit parfois entendre Pink Floyd ou des réminiscences enfouies d’Americana).
Ni totalement électronique, ni complètement pop, l’album est une véritable collection de chansons impeccables qui semblent d’abord conçues et écrites autour du seul squelette d’une guitare folk (c’est là la véritable force de ces nouvelles chansons en comparaison aux précédents disques), pour ensuite prendre vie à l’aide d’arrangements méthodiques, précis et remarquablement interprétés. On a beau chercher, on voit mal ce qui manque au tableau tant l’écriture, la réalisation et le propos sont réussis. Peut-être que le seul léger défaut pourrait se trouver dans l’absence relative de quelques aspérités ou salissures qui auraient donné plus de relief à l’ensemble du disque, qui s’écoute néanmoins avec énormément de plaisir, plaisir grandissant au fil des écoutes.
En brillant arrangeur et metteur en sons qu’il est, Sheraf signe notamment quelques-uns de ses meilleurs morceaux : Make The Most Of It (tube essentiel), Don’t Ask For More (ah les chœurs féminins somptueux), Closing Up Trap et son final gilmourien, Blow Down On Me, en forme de blues proche des essais les plus pop de Spiritualized.
On le savait déjà mais il faut le crier haut et fort : Sheraf fait incontestablement partie des artistes français qu’il faut soutenir coute que coute, ne serait-ce que pour la fraicheur qu’il nous apporte, en cette période de disette d’écriture de véritables chansons pop.