Olivier Rocabois / (Olivier Rocabois) Goes Too Far
[Acoustic Kitty]

7.2 Note de l'auteur
7.2

Olivier Rocabois - Goes Too FarOn accueille toujours avec un certain scepticisme les travaux passéistes ou de moines copistes. C’est donc avec une oreille chagrine qu’on a entamé l’écoute de cet album du Breton Olivier Rocabois, Rocabois Goes Too Far. Le premier titre nous avait laissé entrevoir un matériau pop et baroque, agencé à la manière de…. au choix Divine Comedy, les Beatles, XTC et quelques autres, entendre une brochette de références qu’on aime ou qu’on a aimées, indépassables et dont on ne voyait pas bien ce qu’un frenchy pouvait leur apporter (ni leur enlever au demeurant) en 2021.

A l’écoute de cet album surprenant et formidablement arrangé, on a dû réviser notre jugement et se rendre à l’évidence : il y a du plaisir partout ici, de la joie et de l’énergie, du bonheur et une envie de bien faire et de bien sonner qui valent tous les passeports. Le disque d’Olivier Rocabois ne joue pas tout à fait dans la même catégorie que, disons, un type tel que le vieux Martin Newell ou que l’un peu plus jeune Ed Ball. Ses mélodies sont un peu plus attendues, moins complexes et parfois trop pompières et primesautières pour être honnêtes. Le uptempo fait sa loi et on ne goûte que trop peu d’instants de repos et d’introspection. Rocabois n’en est néanmoins jamais risible comme, disons, le Mike Flowers Pop, et se tient toujours à une distance plus que respectable du kitsch ou du mauvais travail de cover band. Si Rocabois Goes Too Far ne révolutionne pas le genre (lequel d’ailleurs?), il n’en produit pas moins une collection de 9 morceaux impeccable, séduisante et très agréable à l’oreille.

Cette séduction et la réussite du disque passent par une belle maîtrise des arrangements (qui font 50% du boulot, entre les cordes, les cuivres, etc), par un sens inné des tempos et aussi par l’exploration d’un spectre musical qui n’est pas si restreint. La voix de Rocabois est d’une complexité qui lui permet de varier les registres, de cabotiner comme Neil Hannon, mais aussi de développer une sorte de séduction androgyne qui n’est pas sans rappeler la tessiture unique d’un David Bowie. Entre le piano joueur et souverain ici (Arise Sir Richard, magnifique), les guitares et cette manière d’aller toujours de l’avant, il y a dans ce Rocabois goes too Far un souffle épique qui rappelle le panache et l’englishness de The Kinks, l’astuce gouailleuse de The Who. On s’amuse, on radote, on danse et on tourne sur soi-même, on chante la bouche grande ouverte et les dents souriantes, en levant les yeux et les bras vers le ciel.

Olivier Rocabois n’a pas signé beaucoup de disques de son nom avant celui-ci (on le suppose) et il est possible qu’il n’en fasse pas dix comme celui-là (on lui souhaite) mais il a aura su imposer ici un univers en partie sous-loué et en partie personnel qui tient tout à fait la distance et les promesses du genre. La pop de Rocabois est faite de références, de travail, de plaisir et de respect. C’est une pop professionnelle, attentive aux détails et qui convainc par sa sincérité, son agilité et sa pureté, comme si le bonhomme était allé pêcher avec son épuisette dans un torrent de montagne où McCartney et Lennon se sont trempés les pieds. Let me Laugh Like A Drunk Witch est bon comme un tube et Hometown Boys plein d’harmonies vocales horripilantes.  Que demander de plus ? Le joli miracle qu’est My Wounds Started Healing, peut-être, le titre le plus ample et ambitieux, mais aussi le plus réussi du lot…

Olivier Rocabois est allé assez loin maintenant. Il peut rentrer, siroter un whisky (vous ne voulez pas un doigt d’abord?) et laisser la fierté l’envahir. Ce disque est un bonheur comme il n’y en a pas deux. Espérons le mais profitons en. Dans une vie, les bons moments ne sont pas si nombreux.

Tracklist
01. The Sound of the Waves
02. High As High
03. In My Drunken Dreamscape
04. Arise Sir Richard
05. Tonight I Need (with John Howard)
06. Let Me Laugh Like A Drunk Witch
07. Hometown Boys
08. I’d Like To Make My Exit With Panache
09. My Wounds Started Healing
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