A chaque jour de labeur, l’attente du réveil qui sonne est immuable. Le buzzer s’échappe et Skalpel x Raan n’ont pas l’intention d’appuyer sur le bouton d’arrêt. En fait, la sonnerie n’aura de cesse de retentir pendant quarante-sept minutes de cet essai éponyme.
Skalpel x Raan dépose un rap engagé enfin non ! Pour être plus précis, on a plutôt à faire à du rap de lutte. Celle-ci prend bien évidemment une forme sociale mais aussi une forme rapologique. L’une alimentant l’autre. Chaque mot est lourd et ne galvaude pas son poids pour une conjugaison invariable d’une géométrie parfaite des mots. Skalpel reste en Première Ligne pendant que Raan se charge de la ligne de démarcation new-yorkaise. On ne va pas se le cacher, les productions du breton suintent et frappent autant qu’un bon banger de la new jack city. A croire que le sud-Bretagne et la côte Est des Etats-Unis sont directement voisins.
Derrière une image assez brut de décoffrage, la dualité de la rhétorique pamphlétaire autour de l’appauvrissement (économique et intellectuel) de masse démontre l’épaisseur du propos de ce quatorze titres. Que ce soit pour clamer les maux du capitalisme ou les turpides de la direction prise par le rap hexagonal (global), on ne peut pas s’attendre à un récit de la vie facile et de l’optimisme débordant même s’il faut toutefois reconnaître le caractère caustique et chambreur des phases de Skalpel. Par ailleurs, les références à l’âge d’or (fin des 90s) sont multiples que ce soit avec les mots (Black Star pour exemple) ou encore plus avec le choix des samples (Marco Polo & Torae pour exemple).
Finalement, Skalpel x Raan débarquent sur les côtes avec du Rap de Vieux à taille humaine qui ne fait pas dans le connard aigri. Résolument militant et à contre-sens du commun des rappeurs, le fard et les facettes ont été mis volontairement à la cave pour mieux mettre en valeur leur amour du Boom Bap avec les poings levés.