A période particulière, dispositif particulier. Chaque jour, on pioche un disque au hasard dans notre discothèque et on en parle très rapidement de mémoire pour en dire du bien ou du mal, ce qu’il représente pour nous ou pas… si on s’en souvient…
Hasardeuse pioche en écho avec la sortie (abusivement médiatique) du nouveau The Strokes. Car les Anglais de The Rakes, malgré un certain engouement critique, restèrent toujours à la traîne de fanfarons plus frimes, plus poseurs, tels que Julian Casablancas ou Pete Doherty. Dommage, injuste. Personnellement, je n’échangerai jamais une pop song des Rakes contre trois albums des Strokes.
Chaque mouvement musical prenant le revers du précédent, le début 2000, après plusieurs années électro-tech-jungle, remit les guitares à l’honneur. Avec une désagréable sensation de redite ou d’absence de fond. Règne du groupe mineur, voire médiocre, en une de la presse (The Kills, The Kooks, Yeah Yeah Yeahs), de la grosse machine nostalgique surestimée (The Strokes, The Libertines), de réussites d’un jour avant les bacs à soldes pour formations emphatiques (Franz Ferdinand, Bloc Party).
Dans ce marasme péquenaud, The Rakes était le seul groupe qui à mes yeux trouvait valeur. Probablement car j’y entendais moins de grossiers emprunts à Richard Hell qu’une tradition typiquement british : celle qui raconte les soirées au pub après le travail à l’usine, qui végète dans un taudis à Whalley Range et rêve de paillettes, qui décrit l’énième rupture amoureuse sur un mode pince-sans-rire ou se moque gentiment du nationalisme anglais. Oui : The Rakes appartenait à la classe sociale des XTC, Blur, Jam et surtout Pulp (certaines paroles semblent surgir du Jarvis Cocker de Babies et Razzmatazz).
Ten New Messages confirmait les espoirs placés en Capture/Release, premier album dorénavant culte à défaut de parader dans les encyclopédies du rock. Parfois plus ligne claire, à chaque titre porté par un refrain universel, détaché mais brillant, goguenard mais réaliste, le disque, of course, ne fit pas la couve des journaux (absence de faux rebelles à mèche longue, de toxicos BCBG ou de pin-up FM pour vendre du papier). Magic avait néanmoins élu Ten New Messages album du mois (chronique hyper enthousiaste de Christophe Basterra).
Trop normal, trop common people, The Rakes se sabordera en 2009 après une troisième tentative sous-estimée (Klang). En 2020, comme si la pandémie ne suffisait pas, les vieillards de The Strokes (qui « ressemblent tous à Jean-Louis Aubert » dixit Etienne Greib sur FB) continuent à squatter l’actualité rock. Sick sad world, dirait Daria.