Pour une raison qu’on ignore, la France est devenue depuis quelques années l’un des foyers de renaissance des musiques surf-rock, du garage psychédélique et du shoegaze déviant. Preuve en est une nouvelle fois donnée avec ces The Baked Beans venus de Rouen, auteurs d’une première poignée de titres l’an dernier, et qui ont signé il y a quelques semaines maintenant un premier ep très réussi de 6 titres.
Holy Wookie est une tuerie, un truc à faire tomber la concurrence de son skate et vous donner envie d’aller vous finir au speed sous la rampe. Ces gars-là jouent vite et juste mais sont aussi capables (The Boyz) de ralentir le rythme et d’imposer une sorte de maîtrise sereine qui époustoufle pour un si jeune groupe. The Baked Beans entame en effet ce EP à toute berzingue avec un Sleep qui ne laisse pas une seconde de repos. Les guitares sont endiablées, la rythmique implacable et des effets fusent dans tous les coins comme si on avait fourré une allumette dans un magasin de pyrotechnie.
Le groupe évolue dans un genre qu’on désigne par défaut comme punk rock. Comme cela ne veut pas dire grand-chose, on appellera à la rescousse les références habituelles du genre. The Baked Beans a, dans ses constructions solides et sa maîtrise des instruments, plus à voir avec Cloud Nothings (pour la voix, l’intelligence des séquences) qu’avec la fougue désordonnée d’un Wavves. Les morceaux ont beau être fous et débridés, l’ordre est respecté à l’image d’un Bad Guy qui va vite mais s’organise très classiquement. The Baked Beans, et c’est paradoxal pour une telle furie, évolue dans un exercice plutôt conservateur, avec refrains et ponts, couplets et reprises. La voix est assez peu surprenante et les morceaux bénéficient d’une lisibilité qui renvoie aux travaux très disciplinés de King Gizzard and The Lizard Wizzard, les tonitruants psyché-punk australiens. Notre morceau préféré ici est l’incroyable Holy Wookie, assez peu chanté finalement où le groupe découvre sur 9 minutes et quelques toute sa maestria. The Baked Beans déploie ses motifs comme une broderie de bord de mer, en tournant trois fois ses cordes entre ses doigts. C’est fringant, solide comme du Jimmy Page en caleçon de bain et cela donne une folle envie de se fourrer les bagues dans le nez. Me and Myself reprend ce schéma : un tâtonnement rythmique qui envoie des vibrations de bas en haut et vous agite le bulbe à force de répétition et de salves électriques. C’est du rock à l’ancienne, rageur et faussement maladroit, un truc qui a vieilli avant d’être jeune mais qui donnera tout autant l’impression d’avoir été composé la veille dans vingt ans.
Si l’inverse est vrai, pourquoi on se priverait de faire du vieux avec du jeune. La violence n’a pas d’âge et est l’avenir de l’homme.