C’est quoi ce truc ? Les Stones Roses fissurés par Aphex Twin ? Un inattendu album des Happy Mondays produit par Anton Newcombe ? Human League qui vient de comprendre les vertus de l’ecstasy ? Toujours est-il que ce nouveau The Horrors échappe définitivement à la routine qui semblait menacer le groupe lors du précédent (et raté) Luminous. Indécis mais sans compromis, Faris Badwan et sa bande proposent aujourd’hui du bizarre halluciné, de la pop triturée jusqu’à l’indécence. Pas certain que V résiste aux écoutes suivantes (le risque emphatique est ici grand), mais au moins The Horrors, contrairement à beaucoup, se jette dans le vide et prend des risques.
Clairement divisé en deux faces vinyle, V commence par du lourd. Électro déviante fracassée par des breaks inhumains (l’écoute aux casques est hautement recommandée), psychédélisme improbable, guitares court-circuit mais refrains imparables. The Horrors, sans ne rien perdre en harmonies, dérive vers le brouhaha sonique, le constant grésillement. Un peu l’album que My Bloody Valentine pourrait éventuellement sortir – du MBV baggy sound. Cette Face A résistera-t-elle au temps ? Qu’importe. Au moins, pour l’heure, c’est de l’incongru, du nouveau, de la biologie rock.
Comme pour se faire pardonner de tant d’écarts, V, lors de sa seconde face, redevient plus classique (classique, au sens où The Horrors l’entend). L’accent est mis sur les refrains grandiloquents, sur un lyrisme parfois FM. Sauf que : bien que produit par le redoutable Paul Epworth, The Horrors n’entend décidemment pas se reconvertir en Coldplay pour mélomanes quarantenaires. Il y a toujours, même dans les morceaux plus accessibles, des gouffres soudains, des changements mélodiques qui font sursauter, des incongruités qui obligent à réécouter trois ou quatre fois le même titre pour en saisir construction comme intention. À l’image de l’apparemment simple Something to Remember Me By, qui côtoie New Order mais s’apparente finalement à un tube électro-pop cronenbergien, malade, gorgé d’insondables virus.
Album trop ambitieux ou futur classique ? Trop tôt pour légitimer la moindre hypothèse. Reste le plaisir tout bête d’écouter un disque qui oblige aux questionnements puis exige de l’auditeur qu’il sorte enfin de son confort pragmatique. Une proposition de moins en moins fréquente à l’heure du recyclage, du reboot et du copier-coller. On en reparle d’ici, heu, cinq mois ?
The Horrors – Something To Remember Me By
02. Press Enter To Exit
03. Machine
04. Ghost
05. Point of No Reply
06. Weighed Down
07. Gathering
08. World Below
09. It’s A Good Life
10. Something To Remember Me By