A l’annonce de la parution de Vertigo Days, il y a eu d’abord l’excitation, parce que The Notwist reste un mètre-étalon depuis que Shrink (1998) et plus encore Neon Golden (2001) avaient converti un bled de Bavière en bastion indie-pop et un trio d’Allemand aux allures d’éternels étudiants en super-héros de nos discothèques.
Puis, la circonspection s’est insidieusement installée, lorsque le single Ship, chanté en canon avec Saya Ueno de Tenniscoat a été divulgué, rappelant cruellement que les derniers albums en date n’étaient pas des réussites totales et que chacun des membres aimait aussi s’investir dans des projets parallèles cahoteux (Spirit Fest, Joasihno, Alien Ensemble, …), notamment avec des collaborations japonisantes dont seuls les amateurs de sushis expérimentaux raffolent.
Une ombre laissait planer un doute au moment de poser le disque sur la platine Vertigo Days.
Play.
A la première écoute de bout en bout de ces quatorze compositions, le constat s’est imposé : on n’avait en fait rien compris. Ni le comment ni le pourquoi. Ni d’où ils partaient, ni où ils voulaient nous emmener. Désormais, tout fait sens.
Leur douzième (environ) album, et le premier pour le compte de Morr Music, agrège toutes les possibilités explorées ou seulement suggérées en plus de trente de carrière pour en faire le chef d’œuvre de leur carrière. La construction de l’album est absolument remarquable, chaque enchainement étant comme le mouvement d’une chorégraphie parfaitement exécutée. Honni soit celui qui pourrait croire qu’il pourrait comprendre cet album en s’en remettant au zapping des plateformes de streaming.
Les frères Acher et Cico Beck ont invité, outre leur copine japonaise, des amis aux horizons tout aussi exotiques (Ben LaMar Gay, Angel Bat Dawid, Zayaendo et Juana Molina). Mais ces collaborations s’effacent au profit de la cohérence. Ils ne sont « que » des musiciens venus servir les compositions du trio, au croisement de mélodies pop viscéralement mélancoliques (la voix de Micha est sublimée par la production), de tintinnabulements électroniques, des rythmiques télescopées et hypnotiques. The Notwist est en état de grâce et on peinerait à mettre en exergue un morceau plus qu’un autre. Into The Ice Age est un mantra cotonneux passionnant qui trouve ses fondements dans la ballade sépulcrale Loose Ends qui le précède. Into Love / Stars constitue un diptyque qui se poursuit sur le trépidant Exit Strategy To Myself (on part d’une ballade sur les rives du Mékong pour finir dans un atelier de métallurgie). Et il en est ainsi de tous les morceaux qu’on ne peut qualifier de chansons tant ces compositions s’affranchissent du formatage et des canons du genre.
Sous la conduite du groupe, on voyage au long cours, en marge des voies directes et des lieux fréquentés pour découvrir les richesses de leur monde. Un émerveillement.
02. Into Love / Stars
03. Exit Strategy To Myself
04. Where You Find Me
05. Ship feat. Saya
06. Loose Ends
07. Into The Ice Age feat. Angel Bat Dawid
08. Oh Sweet Fire feat. Ben LaMar Gay
09. Ghost
10. Sans Soleil
11. Night‘s Too Dark
12. *stars*
13. Al Sur feat. Juana Molina
14. Into Love Again feat. Zayaendo