Possible qu’on change d’avis au fil des écoutes. Possible aussi qu’on se trompe et que le nouvel album The Other Side of Make-Believe annoncé chez Matador pour une sortie le 15 juillet nous permette de renouer le fil d’une relation altérée depuis au moins dix ans désormais (le quatrième album du groupe restant avec le recul tout à fait acceptable, Marauder le dernier en date une menace fantôme). On a fini par penser qu’il n’y avait plus grand chose à attendre d’un Interpol qui court comme un canard sans tête depuis une bonne décennie, campé sur les deux solides pattes (de lapin) que sont la voix intacte et toujours aussi fascinante de son chanteur Paul Banks, et le jeu de guitares affriolant de Daniel Kessler. Les deux hommes sont pour nous à peu près tout ce qu’il reste du jeune groupe qui nous avait tant emballé sur scène et sur disque au début des années 2000. Depuis, Interpol est en manque d’idées, ne tenant que sur des « motifs identitaires » (un son, une attitude, une forme de classe sédimentaire) qui suffisent souvent à susciter l’intérêt, voire une petite émotion. Mais le groupe ne sonne la plupart du temps que comme une ombre de ce qu’il a été et une promesse (toujours repoussée) de jours meilleurs.
Le nouveau titre Toni nous ramène à ce constat. Le son Interpol est là, la voix, les guitares, cette manière un peu fuyante d’écrire des textes qui ne veulent pas dire grand chose mais parlent à tout le monde, ce faux rythme mi-électrique, mi-alangui qui renvoie à une forme de décontraction sévère et velvetienne. Quoi d’autre ? Pas grand chose justement. Les fans diront qu’Interpol se remet en cause : les percussions sont métalliques, le son un peu plus brut et moins lisse. La production est assurée par les « superstars du cache »(misère), Flood et Alan Moulder, le tout étant qualifié de « cinématique ». Peut-être est-ce que le décor très « street »/urbain du clip y est pour quelque chose mais on pense étrangement à une réplique atrophiée des premières productions du RZA, ami de Banks, pour le Wu Tang. En forcément beaucoup moins bien et intense. Le morceau se traîne un peu, s’interrompt comme de coutume pour laisser pendre ses lignes brisées dans le vide. Depuis son troisième album, Interpol dissimule son manque d’idées dans des artifices vaguement arty, des jeux de production. On s’est assez longtemps laissé embarquer mais la vérité est qu’il n’y a plus de chansons le plus souvent, plus qu’un décor et que cela s’entend.
On aime en revanche l’univers du clip, la danse, la mise en scène. Tout cela est très bien fait. Mais on était pas là pour ça. Interpol s’est rarement planté dans ses choix de singles et a presque toujours offert en premier, le meilleur de ce qu’il avait à donner. Ce Toni n’augure donc rien de bon. Mais ce ne sera pas la première fois qu’on se contredit. On a bien dit du bien du Placebo…