Sorti en catimini une première fois il y a un peu plus d’un an, ce Living Holograms d’Undermathic bénéficie d’une seconde et véritable chance avec l’attention portée par Atypeek Music. L’album a été remonté pour l’occasion, réarrangé et réagencé, ce qui met en valeur l’originalité du travail d’un Undermathic, qu’on a trop facilement enfermé dans son rayon IDM (intelligent dance music). Maciej Paszkiewicz, musicien polonais né en 1981, officie désormais depuis près de 20 ans dans un registre extrêmement large des musiques électroniques. Ses premiers travaux reposaient sur une démarche plutôt savante et exigeante qui mettait en avant le sérialisme et le caractère aléatoire de compositions aussi stimulantes que chaotiques. Depuis ces années-là, le bonhomme a considérablement élargi sa palette sonore qu’il s’agisse d’aller vers une musique électronique plus spectaculaire, remuante et dansante, ou, au contraire, d’aller taquiner la musique classique et l’atonie à l’image de son récent Momemts And Places, disque apaisé et porté par un piano traditionnel.
Living Holograms reprend, pour ainsi dire, les choses là où Undermathic les avait commencées, c’est-à-dire au coeur d’un dispositif electronica très scientifique, mais en les agitant pour les déplacer vers la dance, des registres plus industriels ou même des titres à la limite du groovy. Technologique, à l’ouverture, est, dans le monde d’Undermathic, ce qui se rapproche le plus d’un banger : un morceau efficace d’ambient climatique et sombre, parfait pour s’abrutir en soirée. Le beat est vif et la rythmique organisée en boucles serrées qui pourraient mettre le feu à un dancefloor intello. We Human est un morceau organique splendide, à la construction aventureuse et fière. La matière est travaillée de manière à séduire toutes les tribus électro depuis les plus festives jusqu’aux plus contemplatives. Ce qui saute aux yeux ici, c’est bien la virtuosité d’un type qui est aussi à l’aise dans un registre enlevé et pop que dans des tempos plus serrés, oppressants et moins mélodiques. L’ensemble est très urbain, d’une belle lisibilité et peut s’apparenter aux tentatives les plus exigeantes de Daft Punk. La parenté est assez frappante sur un morceau tel que Living Holograms qui conjugue complexité et efficacité avec un certain bonheur.
La principale qualité du disque est ainsi de nous faire assister à un véritable festival de sons ou à un défilé d’ambiances qui passe du rétro-psychédélisme d’Out of This Game à la froideur métallique d’un Strong Addiction. Living Holograms est une balade majeure dans les 1001 possibilités ouvertes par l’échange électronique. On peut trouver cette traversée « touche à tout » éreintante et un peu vaine au final ou, comme nous, s’émerveiller devant un tel étal de virtuosité et d’inspirations. Difficile de ne pas être impressionné par un morceau tel que le superbe Welcome To The Real World qui doit autant à Kraftwerk qu’à DJ Mehdi. Maciej Paszkiewicz fait partie de ces types qui sont suffisamment à l’aise avec ce qu’ils font pour ne plus s’embarrasser de définitions ou de limites. Living Holograms est, à cet égard, la réalisation d’un vieux rêve, celui d’une musique électro qui abolirait les genres, les frontières et les chapelles. On peut toujours rêver.