On se souvient bien entendu du roman original de Nick Hornby paru en 1995 et presque aussi bien de son adaptation au cinéma (2000) réalisée par Stephen Frears, sublimée par le toujours impeccable John Cusack. Vingt ans après, la chaîne américaine Hulu (sur droits achetés à l’époque par Disney si on a bien compris) a eu l’excellente idée de développer une série en reprenant les grandes lignes du roman. L’action a été transposée à New York aujourd’hui et le personnage principal changé en une jeune femme, Rob, propriétaire d’un magasin de disques, et interprétée par la sublime Zoé Kravitz, fille du chanteur et de l’actrice culte d’Angel Heart, Lisa Bonet. Et le résultat est VRAIMENT VRAIMENT très cool à suivre.
Dire que Mademoiselle Kravitz porte le show sur ses belles et frêles épaules est un euphémisme. Rob est de tous les plans et, comme dans le film de cinéma, passe son temps à briser le quatrième mur pour s’adresser dans un monologue confessionnel qui relève parfois du pur cabotinage au spectateur. Le show tourne autour des amours contrariés de la belle sur les premiers épisodes entre rupture originelle qui la plonge dans la déprime, flashbacks sur ses ex et nouvelles aventures. Le magasin de disques avec ses deux employés, une black obèse pétillante et un gay obsédé par les pressages originaux, est également une pièce de choix dans le dispositif. Les personnages secondaires sont savoureux et les développements ultradétaillés sur les groupes de musique, rock, hip-hop ou soul, sont brillants, à l’image d’une longue analyse de Fleetwood Mac poussée par Rob lors d’un rencard en plein milieu de l’épisode 1 ou d’un débat enflammé sur le droit ou pas de continuer Michael Jackson le pédophile dans l’épisode 2.
Chaque épisode présente une petite dizaine de morceaux, en extraits assez longs, ce qui témoigne évidemment de la belle place donnée à la musique dans la mise en scène. Par rapport au film de cinéma, la transposition féminine et black dans le New York d’aujourd’hui a évidemment fait varier le centre de gravité musical de l’ensemble. La soul, le hip-hop sont assez présents mais n’écrasent en aucune façon le rock, le punk ou l’électro. L’ensemble est parfait, dynamique, ultrasentimental et débarrassé un brin de l’amertume et du second degré déprimant de l’œuvre originale. La jeune Kravitz apporte au rôle, par delà sa sensualité, une mélancolie et un dynamisme remarquables mais aussi un caractère de modernité tout à fait appréciable.
Certains magazines ont pris la peine de recenser l’intégralité des morceaux convoqués au fil des dix épisodes de la première saison (10 épisodes dont 6 encore à venir), ce qui donne une excellente idée de la diversité et de la qualité de ce qu’on retrouvera ici. Le premier disque assemblé pour rendre compte de l’univers de Rob et ses amis est lui-même plutôt intéressant : Blondie, Dexys Midnight Runners, William Onyeabor ou Ann Peebles. Le spectre que balaie la série est assez large entre obscurités amusantes (le premier épisode intègre un échange marrant sur le français Lescop), standards reconnaissables et compositions originales. L’acteur écossais Thomas Doherty, de plus en plus sollicité pour ses morceaux en appui de son jeu, incarne dans la série un apprenti chanteur à succès qui va prendre une part importante dans la vie de l’héroïne sur cette première saison. Sa beauté classique offre un contrepoint esthétique au charme de Rob et achèvera de convaincre les femmes un brin sceptiques de s’intéresser au programme.
Vous l’aurez compris : cette critique de la BO est avant tout une invitation à regarder la série. Les deux sont indissociables et marchent main dans la main.
02. Darondo / Didn’t I
03. Thomas Doherty / I’ll Make Love To You
04. Dexys Midnight Runners / Come On Eileen
05. Thomas Doherty / Tiebreaker
06. Blondie / Once I Had A Love (Aka The Disco Song)
07. William Onyeabor / Fantastic Man
08. Thomas Doherty / Till It Hits The Ground
09. Thomas Doherty / Gimmie Light/ New Tatoo
10. Silk Rhodes / Pains
11. Da’Vine Joy Randolph / I Believe (When I Fall In Love It Will Be Forever)