Various / The Boy Who Paints Rainbows A Colorful Tribute to Television Personalities
[Jour de Pluie Records]

8.7 Note de l'auteur
8.7

The boy who paints ranbows (A colorful tribute to Television Personalities) Un véritable enchantement : ce n’est pas si fréquent qu’on ait ainsi envie de qualifier un tribute, servi par des groupes dont, à l’exception de deux ou trois, on n’avait jamais entendu parler avant. Et pourtant, porté par la microstructure qu’on imagine bien créée pour l’occasion, Jour de Pluie Records, près de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), cet hommage coloré aux Television Personalities est un délice pour les oreilles qui ravira autant les connaisseurs du groupe que les purs amateurs de musique indé. Le groupe bénéficie entre sa biographie, un tribute américain, la reprise des Tindersticks d’un regain d’intérêt qui est aussi inattendu que mérité.

Disponible en digital et en K7, le tribute qu’on qualifiera de français faute de mieux est servi par une esthétique formidable et qui va, bien sûr, comme deux gouttes d’eau à l’esprit enfantin, DIY et psychédélique des TVPs. La pochette intérieure de la cassette est remarquablement conçue et habillée, collage de stars et personnages de la pop culture (Bolan, Bobby Ewing, Catherine Deneuve, Alf et on passe) qu’il est très amusant d’identifier. Mais c’est évidemment quand on écoute ce qu’il y a dessus qu’on se rend compte du travail accompli. Jour de Pluie Records propose 26 morceaux (oui, 26) collectés avec amour auprès de groupes sollicités un à un en France, aux Etats-Unis, en Belgique, Allemagne, au Japon et en Australie. Sur ce casting international (et sans véritables têtes d’affiche à l’exception peut-être de Jad Fair, magistral, et des Satellite Jockey), The Boy Who Paints Rainbows réussit cependant à dégager une vraie cohérence et surtout à honorer avec brio l’œuvre originale en s’emparant de toute la liberté autorisée par l’exercice.

On ne prendra comme exemple, alors que des groupes tels que les Tindersticks se sont essayés à leur manière (un peu foireuse) à l’exercice, que la folle audace des Français de CLF Suba qui entreprennent une reprise brillante de Oxford Street le premier single du groupe, en… le traduisant et en le transposant à Fontenay Sous Bois. C’est un véritable coup de génie tant causer en anglais du Londres des 70s n’aurait aujourd’hui aucun sens en 2021. La traduction est maladroite comme elle doit l’être et permet au titre de revenir à l’expression un peu triste et en même temps profondément humaine du mal-être banlieusard. Cette seule illustration donne une petite idée des réinterprétations à l’oeuvre ici qui sont presque toutes justes et de qualité. Comme dans tout tribute, on trouve des hommages respectueux (le bon Smashing Time de Miles and Yohan ou la reprise tout en basse de If That’s What Love Is par Sad Eyed Beatniks) et d’autres qui sont animés par une vraie volonté de pousser la chanson originale dans ses retranchements, quitte à (très rarement) passer un peu à côté (la surréaliste version déconstructiviste du seul simili hit du groupe Part-Time Punks, digne des autosabotages dont le groupe était coutumier ou la fascinante version variété française de Look Back In Anger par Osaka Camping). Marie Mathématique s’offre une jolie traduction lo-fi de Now You’re Just Being Ridiculous, qui, malgré une production bout de ficelle, est assez proche de la perfection. La version punk de Geoffrey Ingram est une tuerie et un contre-sens intégral qui surprend. Il y a une belle densité lorsque Quad Super Six fait grésiller le sublime Prettiest Girl In The World, l’une des plus belles chansons de Daniel Treacy, et fait hoqueter la guitare sous l’émotion ou encore beaucoup de talent et de délicatesse dans la relecture du Portrait of Dorian Gray par The Catherines.

Les groupes rassemblés par la maison aveyronnaise semblent jeunes et déterminés. Il émane de leurs prestations un enthousiasme et une fraîcheur vivifiants qui donnent à ce tribute des allures de manifeste générationnel. On est un peu moins fan du Je sais où Syd Barrett vit de France Profonde (qui n’est de toute façon pas notre chanson préférée des TPVs) tandis qu’on fond complètement pour la divine interprétation du sublissime Engine Driver de Red-Go-Cart. Le principal protagoniste de l’initiative, Pastel de Nada, se réserve quant à lui le méconnu Silly Things Lovers Do pour une version lumineuse et qui exprime tout le respect et l’amour qu’il a pour le groupe. Le tribute tout entier est ainsi un bel exercice d’équilibre entre les polarités sensibles du groupe, sa joie et sa tristesse mêlés. La principale qualité de la compilation est de parvenir à illustrer l’immense spectre émouvant couvert par les compositions de Treacy depuis la chanson d’amour primesautière et guillerette (Silly Things Lovers Do en est le meilleur exemple) jusqu’au terrible et terrifiant désossé Scream Quietly que le groupe Plancton sert ici dans une version incroyablement convaincante.

On l’aura compris, ce tribute est plus qu’indispensable et d’une telle qualité que sa fréquentation pourrait servir (en exagérant à peine) de meilleure introduction au groupe que l’écoute-même des versions originales. Ce n’est pas si fréquent mais on tient là le ticket d’entrée rêvé et le moins cher du marché pour se tailler un chemin dans cette oeuvre complexe et infiniment gratifiante. Merci.

Tracklist
01. Miles and Yohan – Smashing Time
02. Satellite Jockey – A Day In Heaven
03. CLF Suba – Fontenay Sous Bois (Oxford Street)
04. Sad Eyed Beatniks – If That’s What Love Is
05. Marie Mathématique – Tu deviens ridicule
06. Rip Florence – I Hope You Have A Nice Day
07. Basic Shapes – Geoffrey Ingram
08. Osaka Camping – Je regarde en arrière (Look back in Anger)
09. Jad Fair – Psychodelic Holiday
10. S.E Seraphin – This Time There Is No Happy Ending
11. Tony Jay – A Good And Faithful Servant
12. Taxi Volant – La Grande Illusion
13. Quad Super Six – The Prettiest Girl in The World
14. The Space Padlocks – King and Country
15. France Profonde – Je sais où Syd Barrett vit
16. Sutros – A Girl Called Charity
17. Eggs – Three Wishes
18. Kotolis – Hard Luck Story n°39
19. Pastel De Nada – Silly Things Lovers Do
20. Plancton – Scream Quietly
21. Uni Boys – I Like That In a Girl
22. De Haan – Part-Time Punks
23. The Bored Situation – This Angry Silence
24. Red Go-Cart – The Engine Driver Song
25. Lost in Eggtown – Journal d’un jeune homme (diary of a young man)
26. The Catherines – A Picture of Dorian Gray
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