Weezer / Teal Album
[Atlantic / Crush Music]

3.6 Note de l'auteur
3.6

Weezer - Teal AlbumSur la foi d’une poignée de disques remarquables à leurs débuts, on aura finalement passé une bonne partie de notre vie à écouter des albums de Weezer qui ne valaient rien ou pas grand-chose. Vrais ratages, horreurs et demi-succès, albums qui ne tiennent pas TOUTES leurs promesses ou au contraire, trucs qui passaient PAS LOIN du génie : Weezer est le groupe qui manque sa cible à tous les coups, à croire qu’il le fait exprès pour qu’on dise de lui qu’il est le plus grand groupe méta-quelque chose depuis The Kinks.

A vrai dire, Weezer est peut-être bien le groupe méta (c’est-à-dire le groupe qui sait qu’on sait) le plus (in)cohérent et le plus doué depuis que Ray Davies s’est retiré du jeu. The Teal Album, album de reprises, est sorti sans prévenir pour former le douzième album officiel du groupe de Rivers Cuomo, quelques semaines avant la venue d’un autre album officiel et original, The Black Album. C’est un album qui n’avait sans doute pas demandé à naître mais que les fans hardcore du groupe ont aidé à motiver en harcelant Cuomo pour qu’il reprenne la chanson Africa de Toto. Autant pour plaisanter que pour se dégager des souhaits de sa communauté, Weezer est entré en studio pour graver cette horreur presque à l’identique mais avec ce degré supérieur de coolitude qui plaît tant de nos jours (Julien Doré lui doit sa carrière). Le single, Africa, est devenu en quelques semaines le titre le plus vendu du groupe depuis 15 ans l’amenant à réfléchir sur un album entier fait de reprises. C’est ainsi que The Teal Album est né.

A l’écoute on ne sait pas ce qu’on doit penser de tout ça. C’est bien le propre de l’âge méta. Est-ce qu’on fait les choses de manière nulle parce qu’on l’est ? Ou est-ce qu’on le fait sciemment parce qu’on est très bon et qu’il est bien plus cool d’être nul quand on est bon que d’être simplement bon ce qui est assez banal finalement…. Le disque s’écoute et il faut bien avouer que Weezer assure de manière remarquable quand il fait l’imbécile sur Africa, Everybody Wants to Rule the World des Tears For Fears ou encore Sweet Dreams d’Eurythmics. Le groupe est énorme sur Take On Me, presque plus vrai que l’original, inspiré et brillant autour d’une chanson excellente qui se prêtait à une telle relecture certes littérale mais toilettée avec bonheur. Weezer est encore meilleur sur Mr Blue Sky, un titre premier degré qui lui va à merveille et qu’il interprète comme à la parade. Son Billie Jean est juste moyen ou horrible, si l’on considère que Billie Jean est une chanson qui a intérêt à être interprétée par quelqu’un d’autre que par Michael Jackson.

C’est évidemment le problème avec cet album : est-ce qu’il y a une intention derrière ? Et si oui, laquelle ? On avait coutume de dire qu’une bonne reprise permettait à l’artiste qui s’y essayait de s’approprier la chanson et de s’exprimer à travers elle. Ce qu’exprime Weezer ici…. on n’en sait trop rien : que c’est drôle de faire des reprises pour vendre des disques sur Spotify ? Que c’est quelque chose qui n’est pas plus con qu’autre chose. Que de toute façon, les gens ne font plus vraiment attention. Cela fait vingt ans que Rivers Cuomo nous dit qu’il n’en a plus rien à foutre de la pop et qu’on refuse de l’entendre. Il fait ça parce que c’est son métier. Il peut reprendre n’importe quel morceau et faire aussi bien que l’original les doigts dans le nez, une plume dans le cul et une chemise Miami Vice sur les épaules. Alors, pourquoi il le ferait pas ? Pourquoi il se casserait la nénette à écrire des chansons qu’on va accueillir avec scepticisme parce que cela fait bien longtemps qu’on a l’impression d’avoir déjà tout écouté ? Alors il ne le fait pas. Ou si. C’est aussi ça un groupe méta : se foutre de tout comme si la fin du monde était advenue depuis longtemps. Chanter pour ne pas mourir et parce qu’on est déjà tous morts.

Pas un hasard si l’album se termine par Stand By Me. On s’est fait avoir encore une fois. Cuomo ne le dit pas mais il le chante : « bah qu’est-ce que vous faites encore là après tout ? ». « Qu’est-ce que vous attendez ? Vous voulez que je chie dans un boîtier plastique pour comprendre que c’est fini et qu’il faut rentrer chez vous. » On n’y arrive pas. Pas étonnant qu’on nous méprise alors. Il y en a qui font semblant d’y croire encore (Morrissey sortira son album de reprises américaines dans quelques semaines) et pour lesquels ça ne marche pas mieux.

The Teal album est un album qu’on pourra écouter en toute connivence avec nos amis qui savent ou qui font semblant d’ignorer la vérité. Le faux a gagné. Nous sommes entre gens du spectacle après tout. Tout ceci s’entend. On peut se dire les choses. La plupart font semblant. Il faut y croire encore pour trouver que cet album est une injure à l’histoire du rock. Sinon il est drôle et bien fait. On peut chanter par-dessus et même danser en espérant emballer des filles. Entre soi. Qu’est-ce qu’il nous reste au final quand l’émotion a disparu ?

Tracklist
01. Africa (Toto cover)
02. Everybody Wants To Rule the World (Tears for Fear cover)
03. Sweet Dreams Are Made of This (Eurythmics cover)
04. Take On Me (A-Ha cover)
05. Happy Together (The Turtles cover)
06. Paranoid (Black Sabbath cover)
07. Mr Blue Sky (Electric Light Orchestra cover)
08. No Scrubs (TLC cover)
10. Billie Jean (Michael Jackson cover)
11. Stand By Me (Ben E. King cover)
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