Clips de la semaine #10 : Stereolab, Wavepool, Ignatus, Marinita Precaria, Lisasinson, Pipiolas, Zato & Mono

Pipiolas – No Tocar

On aurait pu avoir les yeux rivés sur la scène du Supersonic Records à profiter de tous nos Outsiders préférés mais bon, il fallait bien que quelqu’un reste d’astreinte sur YouTube pour repérer les bons clips de la semaine et du moment. Petit lot de consolation, cette cuvée de début octobre valait bien de rester scotché devant l’écran.

Stereolab Fed Up With Your Job? / Constant and Uniform Movement Unknown

On a beau ne pas avoir beaucoup aimé ce qu’Instant Holograms On Metal Film avait à nous apporter, on n’est pas non plus fâché à mort avec Stereolab et c’est toujours avec un certain plaisir que l’on abordera ces nouvelles livraisons quelle que soit la forme qu’elle prendront, ici en l’occurrence un single double face A / face 1 histoire de ne pas privilégier un morceaux plus que l’autre. Deux morceaux, Fed Up With Your Job ? et Constant and Uniform Movement Unknown que l’on devrait en toute logique retrouver sur une future compilation Switched On (Volume 6 donc) d’ici 2030. Les deux titres, probablement issus des sessions d’enregistrement de l’album parviennent finalement à nous emballer mais sans excès d’enthousiasme non plus ; on repassera pour le nouveau tube imparable de Stereolab. Mais on retiendra surtout ce que finalement ils savent faire de mieux, soigner leur image. Les deux clips jumeaux, réalisés par Spencer Bewley sont deux petites merveilles de formes, de couleurs, d’images distordues qui s’enchainent dans un tourbillon pop et psychédélique au rythme saccadé des deux morceaux. Allez, on osait y croire : tout n’est effectivement pas perdu !

WavepoolBlue Moon

En voilà qui semblent bien partis pour devenir notre nouvelle petite coqueluche dream pop. Les Rouennais de Wavepool sortent un second titre, extrait d’un premier EP Crayola, que publieront en collaboration le 24 octobre Howlin’ Banana et les belges de Luik Music et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce Blue Moon s’installe sans crier gare dans votre univers et ne vous lâchera plus. Avec son petit riff de guitare qui s’imprime dès la première seconde, la très jolie mélodie à deux voix et son refrain aux air de college rock americain, Blue Moon est de ces bonbons au miel qui viennent adoucir une gorge attaquée par les premiers frimas, doux et réconfortant.

IgnatusLa Saison Des Mouches

Lorsqu’en 1990 la major CBS sortait de nulle part le premier single d’un nouveau groupe français, Les Objets, il fallait quand être bien accroché à son siège pour ne pas y voir une ressucée tout au plus un peu plus pop de cet esprit alterno bien franchouillard versant dans l’humour. Quoi, de l’humour et de la pop ? Le mariage semblait mal embarqué avec cette histoire de grosse mouche qui se faisait éclater contre le premier carreau venu. Pourtant, la ritournelle s’avérait entêtante et la face B mettait un terme au malentendu : l’impeccable reprise adaptée en français de Jet Set Junta, mémorable hit de The Monochrome Set devenait la meilleure des cartes de visite. La suite, on la connait : Sarah, deux albums séminaux de la pop française, une séparation pour deux fois de plaisir, Ignatus d’un côté, Nouvelle Vague de l’autre et le décès soudain d’Olivier Libeaux il y a déjà quatre ans, laissant son ex-compère et néanmoins ami Jérôme Rousseaux dans la plus profonde des peines. Alors pour ne pas oublier, Ignatus, lui si souvent porté vers l’avant jette pour une fois un coup d’œil dans le rétro et célèbre à sa manière ces quatre ans d’absence en reprenant ce tube initial façon Nouvelle Vague. La Saison Des Mouches version bossa nova, agrémenté d’un clip retraçant l’histoire du duo; voilà une bien jolie façon de boucler la boucle, qui est probablement plus une spirale qu’un cercle en réalité.

Lisasinson – Deberíamos Vernos Más

En matière de soutien à la cause féminine, il y a ceux qui se contentent de la journée de la femme et ceux qui agissent. Elefant Records fait définitivement partie des seconds tant son soutien aux artistes espagnoles est sans faille. En témoignent ces trois nouvelles sorties quasi simultanées qui démontrent une nouvelle fois la vigueur de la scène pop de l’autre côté des Pyrénées.

Le duo de Valencia Lisasinson est déjà habitué de ces pages puisque le label madrilène prend un malin plaisir à découper en single le futur album de Míriam Ferrero et Paula Barberán, Desde Cuándo Todo qui sortira début 2026. Deberíamos Vernos Más en est donc déjà le cinquième extrait et si le titre laisse planer le doute sur celui ou celle avec qui il faudrait se voir plus souvent, le clip lui est une ode à ces soirées de toits-terrasses, quand la température hispanique peine à redescendre et que la nuit s’ouvre sur un horizon illuminé, favorisant rêves, rencontres et amitiés. Dans la grande tradition de ces micro-tubes indés, le titre dit tout en moins de trois minutes, refrain frais comme un tinto de verano compris, puissant et irrésistible comme ces breaks à répétition qui tiennent en haleine. L’album risque bien au final de ressembler plus à une collection de singles tubesques mais à vrai dire, on s’en fout un peu : comme Lisasinson et ses amis, l’heure est avant tout à l’hédonisme et à la célébration de la vie. Quasiment un an après la dana, les nuits de Valencia sont redevenues douces.

Marinita PrecariaLa Nieve

Avec son nouveau titre, La Nieve, on retrouve l’andalouse Marina Gómez Marín plus connue sous le nom de Marinita Precaria lorgnant à son tour de l’autre côté des Pyrénées, séduite par la pop baroque de Christophe Vaillant du Superhomard connu pour ses travaux de pop classieuse avec l’étonnant australien Maxwell Farrington, chef de cuisine et chanteur. Accompagnée du batteur de M83 Loic Maurin et la chanteuse Lorene Murzilli, eux aussi collaborateurs de longue date du français, la pop de Marinita Precaria se pare soudainement de sonorité chaleureuses délicieusement 60’s à grands coups de clavicorde enchanté qui souligne la jolie poésie de la chanteuse. La Nieve est le premier extrait du EP Conmovedor entièrement enregistré dans cette configuration et qui préfigure une nouvelle phase pour Marinita Precaria.

Pipiolas No Tocar

Avec son premier album No Hay Un Dios, Pipiolas a indubitablement ouvert une nouvelle voie dans la pop espagnole, libérée de toute contrainte, intégrant les codes de la danse ou du stylisme et se refusant à s’enfermer dans un style particulier pour faire entendre la voix de deux jeunes femmes résolument modernes et du discours qu’elles avaient à porter sur l’amour sans bornes et la santé mentale notamment. Un univers déjà extrêmement personnel que leur second album va certainement confirmer. Pour preuve, ce premier extrait, No Tocar, nouveau tube absolument imparable, bourré d’énergie (ce refrain…) et de témérité. Pourtant, comme souvent, la chanson entrainante cache en réalité un texte sulfureux sur la propension qui ne date pas d’hier de certains hommes à vouloir jouer à la poupée pour de vrai, des poupées de cire dans leurs robes XIXème aux poupées Barbie en tenue de gym fluo, sans jamais trop se soucier de savoir si elles ont vraiment envie de Ken. Ne Pas Toucher donc. La vidéo qu’elles signent elles-mêmes, Paula Reyes à la direction artistique et à la réalisation, Adriana Ubani aux chorégraphies, nous entraine dans cet univers décalé où le baroque du Museo Del Romanticismo de Madrid s’entrechoque avec la movida colorée des années 80 libératrices du joug franquiste, où l’on croise de drôle de têtes difformes qui semblent renvoyer à l’image que certaines se donnent pour apparaitre parfaites de botox et de collagène, poupées influenceuses ne rendant pas toujours service à la cause des femmes.

Zato Days-illusion

Depuis que l’on suit d’un peu plus près les aventures musicales des rockers bourguignons d’Ossayol ou de Zato, saute aux yeux une évidence : la musique n’est qu’une composante d’un projet plus vaste intégrant au moins à égale mesure l’image. C’est particulièrement vrai chez Zato qui publie ces jours-ci un travail qu’il serait presque dégradant de nommer simplement « clip ». Days-illusion est un véritable court-métrage, d’ailleurs vainqueur d’un prix dans cette catégorie au festival Ciné Pause l’été dernier. Film autant que chanson, il n’est ni clip ni BO, juste un projet éminemment artistique pensé dans son ensemble et réalisé par le collaborateur de longue date du groupe, Benjamin Chailleux. Le morceaux, sombre et puissant, quasiment introspectif, souligné d’une guitare rèche et de violons fantomatiques nous plonge dans une ambiance des plus étranges, filmée dans le sanatorium quasiment à l’abandon de Bergeserrin perdu dans la campagne charolaise à l’ouest de Mâcon. Un univers peuplé de personnages étranges, une colporteuse d’espoir (jouée par Céline Rigaux, la chanteuse et violoniste du groupe) suivie par un loup inquiétant, des lapins tout aussi étranges réunis en banquet, dont on ne sait pas trop s’ils sont réels ou relèvent de l’illusion. Avec ce film, Zato affirme un peu plus sa singularité tout en confirmant son ancrage local, celui d’une province des campagnes où l’on s’attache à faire vivre la culture des tiers-lieux.

Mono – Oath (Live In Tokyo With Orchestra Pitreza)

On ne parle pas assez souvent, ici en tout cas, de Mono. Il est vrai que les japonais souffrent quelque peu de la concurrence de leurs voisins de labels, aux USA en tout cas, Temporary Residence: qui a besoin de Mono quand on a Mogwai ou Explosions In The Sky? Si la question a pu un temps être légitime, chacun a depuis le début des années 2000 tracé sa route, les écossais assumant un véritable leadership du genre dont les texans se sont quelque peu éloignés dans la forme ; et Mono aussi. Si tout ce beau monde est maitre dans la création d’atmosphères contrastées, ambiantes et explosives, le groupe de Tokyo est sans doute celui qui s’est le plus approché de frontières sombres et mystèrieuses ; un genre de post-prog-rock à tendance black metal symphonique si vous voulez ! On plaisante, mais à peine. Mono ne s’en est jamais caché et livrera d’ici quelques jours un gargantuesque nouvel album live (3 LP, 2CD + Blue-ray) qui célèbre ses 25 années de carrière après les déjà denses Holy Ground: NYC Live With The Wordless Music Orchestra en 2010 et Beyond The Past (Live In London With The Platinum Anniversary Orchestra) en 2021. Leur point commun ? A chaque fois, Mono monte sur scène avec force cordes et cuivres pour décupler la puissance émotionnelle de ses composions supersoniques. La tournée qui a suivi la parution de leur 12ème album studio Oath l’an passé n’a pas échappé à la règle et c’est ce concert capté le 20 novembre 2024 à Tokyo avec l’ensemble Pitreza du trompétiste et chef d’orchestre Chad McCullough qui donne corps à ce Forever Home: Live in Japan with Orchestra Pitreza qui s’annonce somptueux. Il suffit de se laisser submerger par le tourbillon de cette exceptionnelle version de Oath pour s’en convaincre. Et si finalement avoir eu ce magnifique morceaux dans la tête toute la semaine nous faisait presque oublier cette absence à Paris ?

Photo Pipiolas: Capture d’écran YouTube

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