C’est toujours une vraie surprise et un grand plaisir de voir à quel point les artistes évoluent, et dans le cas d’Aidan Knight, comment ils progressent. Each Other est le troisième album de ce chanteur et compositeur canadien. On ne connaît pas le premier mais on avait jeté une oreille sur le deuxième qui était un beau désastre pop folk, qui faisait le grand écart entre les genres et des intentions variées, l’un de ses albums qui se définissent autant par leurs défauts que par leurs qualités. On avait pu distinguer dans ce Small Reveal quelques qualités – la manière dont Knight joue de la guitare, sa manière de trousser des petites compositions simples et répétitives – mais l’album manquait de l’unité et de la concentration qui sont souvent la clé des grands albums pop.
Each Other est, si l’on considère que Knight aura 30 ans cette année (autant un âge de jeune homme pour un chanteur folk) et est aujourd’hui encore complètement inconnu (même dans son pays), une réussite éblouissante. Nous avions écrit, en présentant le premier single tiré de cet album, que Each Other constituerait probablement l’une des grandes et belles surprises de cette année 2016 et.. on le pense encore à la fin du mois de janvier. L’album est composé de seulement huit chansons mais ces 8 chansons sont si solidement liées entre elles qu’elles forment une impressionnante mini-symphonie, jouant du duo heureux/triste et de la mélancolie solaire comme d’un instrument à part entière. On pourrait qualifier la musique d’Aidan Knight de pop gratifiante. C’est une musique qui met l’auditeur en joie et formidablement à l’aise, même si, comme toute musique intéressante, c’est aussi et avant tout une musique gentiment dépressive et tendrement triste. Aidan Knight habite Victoria au Canada. C’est une petite ville au coeur du Canada anglophone. L’origine provinciale et l’environnement naturel du chanteur ne sont pas sans influence sur sa musique. Notre propos n’est évidemment pas de dire que Knight fait des disques pour des gens qui marchent dans la boue toute la journée et élèvent des poules dans leur arrière-cour. Mais les gens issus de la ruralité ont un rapport au temps et au rythme probablement différent, disons, d’un groupe de camés new-yorkais ou de banlieusards. Cette origine est une aubaine pour les musiques folk. La musique de Knight est lente d’une lenteur qui est en même temps ultra dynamique et (ce n’est pas un gros mot) agitée par un fort esprit soul. Prenons par exemple un morceau comme What Light (Never Goes Dim), une chanson réellement époustouflante de plus de 5 minutes. On peut difficilement concevoir chanson plus lente sauf à convoquer Bill Callahan et à le mettre sous tranxène. La batterie s’étire sous les pas du chanteur, comme si le tapis pouvait s’étendre jusqu’à l’infini. Et puis vient une programmation à la Grandaddy (lente comme une p*** de tortue tchèque) et qui, à la vitesse de l’escargot, élève le refrain paresseux jusqu’à un sommet… bas. La chanson agit comme une caresse. On retrouve cette même sensation d’un temps qui s’étire jusqu’à perdre conscience sur le petit mais précieux St Christina. Le morceau sonne comme du Nick Drake pour les Nuls mais il fonctionne à merveille lorsqu’il s’ouvre sur le splendide You Are Not Here. Celle-ci est peut-être notre préférée de tout le disque. C’est une chanson désespérée et épique. Knight abuse des effets vocaux pour nous faire croire qu’il chante depuis un au-delà indistinct. Chaque syllabe, chaque note est toute entière assujettie au projet de faire ressentir l’absence de l’être aimé. Ce qui frappe ici, c’est bien c’est coïncidence totale entre le fond et la forme. Tout est rendu à la perfection : la vie quotidienne bousculée, la solitude, le temps qui passe et l’agitation naturelle qui suit le dérangement des choses. On parlera de la qualité du batteur plus tard. Ce qu’on entend est merveilleux, tandis qu’on se laisse absorber par le mouvement général du morceau.
Il n’est pas inutile de rappeler, à ce stade, que Aidan Knight est à la fois un chanteur/compositeur mais AUSSI un groupe à part entière car la qualité du disque repose en grande partie sur la qualité de la production et la manière dont les musiciens ont appris à jouer ensemble. On donnera une mention spéciale à la batterie qui est remarquable sur de nombreux titres (Funeral Singers, par exemple, est une chanson conduite à la baguette). Knight a travaillé sur cet album avec le producteur Marcus Paquin. Paquin est connu pour son travail avec Arcade Fire et The National. Il fait ici un très bon boulot qui consiste à souligner par un mixage savant la profondeur de la voix et des pistes musicales. La production est subtile et intelligente et donne une dimension intemporelle aux chansons. Le son est étoffé par des attentions discrètes et des effets qui n’affectent jamais la légèreté du tout. L’erreur consiste souvent avec la folk à vouloir en faire autre chose (parce que la folk se vend mal!) pour la rendre plus cool ou attirante. All Clear est un assez bon exemple de ce que fait Paquin sur cet album. La production éclaircit le son, le nettoie pour le faire gagner en intelligibilité et en résonance, mais sans le détourner de son aspiration à une certaine simplicité et au dénuement.
On a pas encore causé paroles. Knight est un bon auteur de chansons et il joue à merveille des binômes archétypaux seul/pas seul, triste/content qui font la substance du folk. Il aime chanter sur la musique, parler de lui et sa voix ou de son art, ce qui est plutôt original. Mais le disque parle surtout d’amour et de ce qui nous manque dans la vie. On pourrait qualifier ses paroles d’assez banales mais ce n’est pas tout à fait le cas. L’absence, le manque sont au coeur de sa poésie. Les mots sont simples mais expriment une poésie efficace et sans affectation. Knight sonne juste, sincère, fragile et fort à la fois. Son vocabulaire est émaillée de quelques références magiques qui rappellent Nick Drake, d’aspirations simples et directes comme chez John Cale. C’est de la poésie pour les jeunes générations, pas trop sophistiquée, ni littéraire mais franche et à cœur ouvert. La voix de Knight est adaptée à ce registre.
On pourrait continuer à analyser ce disque assez fantastique. Mais c’est aussi une musique qu’il est bien d’éprouver et de chérir par soi-même. Each Other est un disque que vous n’aimerez probablement pas partager une fois que vous l’aurez écouté. Un truc de gourmets égoïstes. C’est ce qu’on appelle de la pop gratifiante, n’est-ce pas ? De la pop qui panse les douleurs et calme l’anxiété, une pop qui apporte beaucoup et se mange en solitaire. Une musique pour les fauteuils et les soirées fraîches, une musique pour les amours perdus et les petites ambitions. C’est pour cette raison qu’on n’a même pas mentionné The Arp qui est LA grande chanson du lot. Il faudra que vous vous débrouilliez tout seul avec elle. Comme ça doit être et pas autrement. Veinards.
It is always strange and remarkable to see artists change and, in the case of Aidan Knight, improve their art. Each Other is his third album as a singer songwriter. We haven’t heard the first one yet but the second one was a beautiful pop and folkish disaster, stretched between genres and intentions, such an album which is defined as much by its bad than its good points. We could of course find something interesting in Small Reveal (2012) – the way Knight plays guitar and composes very simple and repetitive tunes for example- but it obviously lacked some emotional focus which is the key to pop masterpieces.
Each other is, considering Knight will be 30 this year (which is still young for a pop folk singer) and was mostly unknown until now, an amazing achievement. We have already written, introducing first single, it could be one of this year’s most rewarding surprises and we still think it could and should be… at the end of January. Each Other is only 8 songs but those 8 songs are so wonderfully crafted and tied together they form an impressive sad/never happy, solar melancholic mini-symphony. Aidan Knight’s music is what we could call rewarding pop. It is pop music which makes you comfortable and happy to listen to it, though, as any good music, it is gently depressive and charged with delicate sadness. Aidan Knight is from Victoria, Canada. It is a small town up there (English speaking zone) and we can feel this provincial and natural environment influencing the music. Our purpose is not to say Knight’s music is for people who wear mudboots all year and like to feed hens in their backgarden but provincial town writers have generally a different rhythm than, let’s say, NY druggie ones. And that’s perfect for pop folk music. Aidan Knight’s music is slow with a slowness which is at the same time full of dynamics and (that’s not a bad word) soul attitude. Let’s take a song like What Light (Never Goes Dim) which is a really really amazing 5 minute piece. You can’t imagine being slower than that one. Drumming stretches under the singer’s footprints, just as if it could go on forever and forever. Then there is Grandaddy-style programming which comes and (always as slowly as f***) elevates the song to a slow motion chorus. The song is like a caress. We have the same sensation of time stretching beyond consciousness on the little St Christina gem. It sounds like Nick Drake “pour les nuls” but it really works very well when the song turns into You Are Not Here next movement. This one is probably our favorite one from the record. It is desperate and epic. Knight uses vocal effects to make us believe he sings from beyond. And he perfectly suggests on every vocal and instrumental move the absence of the loved one he is singing about. What is striking here is the exact coincidence between form and expression. We got the somehow disturbed daily life, solitude, time passing and the natural agitation we feel when things are not like they used to be (we’ll talk about the drumming quality later). And that’s really beautiful to hear as we get absorbed by the song general movement.
it is important to notice, at this time, Aidan Knight is both a singer/songwriter AND a band as the LP’s quality relies highly on production and the way all members have learnt to play together through the years. We add a special mention for the drumming which is really ace on most songs (Funeral Singers for example is a drum-driven song). This drummer, whoever he is, should be cherished as he is to our ears the most brilliant element of the band. Knight has worked with Marcus Paquin on this LP. Paquin is known for his work with Arcade Fire and The National. He does a really good job here, underlining both music and vocal depths with a wonderful mixing work. Production is very subtle and intelligent and it gives an extemporal dimension to the songs. Sound is packed with delicate attentions and effects which don’t affect the global lightness of Knight’s compositions. The mistake is always when folk pop is concerned to try NOT to make it sound like real folk (which doesn’t sale!) and turn it into something fun or more attractive. All Clear is a good example of what is done here. Production duties considerably play with Knight’s voice and instruments making them more popular sounding but don’t divert the song from its very simple movement towards light and clarity.
We haven’t talked much about lyrics. Knight is a good songwriter and deals perfectly with this lonely/not lonely, sad/happy dynamics folk singer are fond of. He likes to sing about music, about his voice and about art, which is quite uncommon. But the LP is mostly about love and what we lack in our life. We could say those are “generic” lyrics but they are not. The absence is at the core of Knight’s music. His words are poetic, without too much affectation. He sounds sincere and inspired, fragile and strong at the same time. His vocabulary is tinged with Nick Drake’s childish magical references or aspirations and simple, direct John Cale-like-kind of verses. It is poetry for the young generations, not too much sophisticated and literate but frank and open-hearted. And Knight’s voice is perfect for this.
We could tell more about this fantastic LP. It is music you should cherish and discover on your own. A LP you probably won’t feel like sharing too much when you’ll be into it. That’s what we call rewarding folk pop, isn’t it ? Music who mends pains and anxiety and has a lot to bring to you. Music for armchairs and cold evenings, love lost and small expectations. That’s why we haven’t even mentioned The Arp which is the greatest piece of the lot. You’ll have to deal with it alone as it should. Enjoy.
2. All Clear
3. Funeral Singers
4. What Light (Never Goes Dim)
5. The Arp
6. St Christina
7. You Are Not Here
8. Black Dream