[Clip] – Baboust déboule sur le Driveway Color

Baboust - Driveway ColorFlâner avec Baboust dans les oreillettes, sous les lampadaires d’une mégapole déserte, c’est un petit plaisir qui ne se refuse pas. La vingtaine fraîche, le jeune compositeur Bastien Griat, tout juste démoulé de l’école de jazz, vous invite à côtoyer son imaginaire : un univers urbain et désert, mais aussi rassurant que les rues futuristes de Shinjuku la nuit. Nul malfrat à l’horizon, ni danger ; nous sommes loin des quartiers malfamés de Harlem ou de Barbès, mais autre part, quelque part entre les rêves et les cieux. C’est à un idéal urbain auquel on accède, d’un bleu étoilé et chatoyant, auquel le nouveau clip de Driveway Color vous convie. Celui des nuits où le temps se suspend, où les solitaires baguenaudent le sourire au lèvre. Aucun sentiment d’urgence, contrairement à l’ambitieux projet omnibus Nori, fable musicale écologique sur le réchauffement, accompagné d’un livre pour petits et grands et d’un moyen-métrage en travelling constant.

Joueur de saxophone invétéré et passionné d’électronique, le premier album Sagittarius A était plus que prometteur, entremêlant ambient et nappes de synthétiseur. Il était bien dans ses moins bons moments (les défauts naturels des premiers jets), solides dans ses meilleurs, comme tout travail d’artisan néophyte s’adonnant à ses bricoles. Baboust cite comme références le brillant jazzman Paul Desmond, tout autant que l’ambianceur Tim Hecker. On a vu pire comme références… non? Sagittarius A rivalise facilement avec les prometteurs projets solo fabriqués soi-même (do-it-yourself) qui prolifèrent depuis l’avènement du net. De même que pour Nori, album atmosphérique, inquiétant et sensible, qui n’a pas à rougir à côté des débuts de jeunes pointures électro que l’on regarde avec tendresse, après leur sortie de l’anonymat. Ce jeune homme travaille décidément pour l’avenir.

Curieusement, Driveway Color annonce quelque chose de plus gracile, une sorte d’album électronique lo-fi avec des élans de jazz et un soupçon d’âme hip-hop : An Evening At Daisyworld sortira ce 17 Juin. La Covid étant passée par là, Baboust s’est senti obligé de calmer les angoisses à travers une musique gentiment naïve et relaxante, nous cocoonant dans une zone hospitalière, le confort d’un lit douillet. Cette sensation que les enfants ressentent à l’approche des vacances,  lorsqu’ils songent, la tête sur l’oreiller, aux voyages arrivant. Se réjouir de la possibilité d’un bonheur abordable : il y a, en cela, quelque chose de merveilleux. Cette fois encore, Bastien Griat semble prêt à emprunter une nouvelle bretelle pour explorer un monde lo-fi encore inconnu, fait de rythmes enjoués et d’anches de saxophones, aussi doux que le chant lointain d’une autoroute.

Le single nous remémore l’ère 32-bits, celle de la GameBoy Advance, une console qui aura transporter plus d’un enfant dans des aventures intérieures. On ne peut s’empêcher de penser aux compositeurs Yoshitomi Ryoji et Miyamoto Kyoko de la franchise vidéoludique des WarioWare, où on se voyait jouer à une trombe de mini-jeux rétro et minimalistes. Voilà le terme adéquat : minimaliste! Le titre a le charme de sa simplicité. La fébrilité de la lo-fi, des bruitages de ses vieilles bécanes, ravivent les plaisirs éprouvés vis-à-vis d’une technologie joliment caduque. Si vous n’avez pas compris la référence à la saga de Nintendo, peut-être avez-vous été touché par la vague des animés japonais? Leur musique rivalisait de pastiches du genre américain, notamment le polar avec des séries comme City HunterGolgo 13 ou Cat’s Eye, ayant fait les délices de certains. Le Japon a toujours eu le talent pour se réapproprier les créations des voisins et y injecter sa sève, et il y a un peu de cela dans Driveway Color.

On croit d’ailleurs que la retrowave est une resucée du hit parade et charts américains d’hier, passés à la moulinette électronique. Que nenni! Remettons les choses au clair. La retrowave se nourrit des minuscules riens rythmant l’existence des années 80 et 90 : un thème musical entraînant d’un jeu vidéo datée (naturellement lo-fi, technologie obsolète oblige), l’arrière-fond plaisant sonore d’un épisode de série, d’une publicité ou d’un documentaire d’une époque révolue. Ces petits détails qui se décantent dans l’inconscient et tapissent la musicalité d’une époque.

Le saxophone, d’une tonalité sèche et stridente, nous étonne. On entend des hoquets et cliquetis sonores, certains avec un léger laps de retard par rapport à une cadence normale. On se demande s’il s’agît d’erreurs involontaires, ou d’erreurs désirées. On opte pour la seconde option, le pedigree de Baboust nous ayant prouvé un talent de laborantin sonore sérieux. En termes de retrowave, nous ne sommes pas encore au niveau d’un Mitch Murder ou des débuts d’un Grum, mais ce n’est peut-être pas l’objectif poursuivi. Dans son clip, humble et léger comme du papier mâché, il défile et flotte dans une ville en boucles infinies, entre des arrières et avants-plans de gratte-ciels aussi fragiles que sont les songes.

Quand on écoute le passif de Baboust, on est persuadé que ce morceau sympathique, mais un peu maigre (ce qui n’est en aucun cas qu’un défaut), n’imposera que sa couleur à l’album. On espère – ou plutôt, on s’attend – à un album de l’envergure de Pook, du polyvalent beatmaker bds.u. Notre jeunot en a sous le capot : un EP et bientôt 3 albums au compteur, il a du talent à revendre. Qu’il s’agisse de nous faire danser sur de l’excellent afrobeat comme Boost ou de nous faire dodeliner de la tête avec un bruit de tong échantillonné, on reste confiant pour la suite de l’histoire. Plutôt que de se prendre une prune pour cause de balade nocturne, on invitera le chaland à s’assoir tranquillement sur un pouf, écouter ses créations, et… à s’endormir paisiblement, en attendant l’album pour les beaux jours.

Sortie de l’album An Evening At Daisyworld : 17 Juin 2021
Label : Losange

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