Sebteix / Groovy time in a safe world
[Autoproduit]

7.9 Note de l'auteur
7.9

Sebteix - Groovy time in a safe worldIl faut bien l’avouer, nous sommes tous sortis exsangues de cette année harassante. Hop, l’hôtel à Cannes est réservé. La marmaille? Débarrassée, voire inexistante. Il est temps de parfaire son bronzage, les orteils en éventail au bord de la Riviera. Sebteix est là, prêt à vous aider à parvenir à cet état de vapeur, à vous diluer dans la mer. « Merci de groover au moins 5 fois par jour! », nous préconise notre docteur de la bonne onde. Ce n’est pas tomber dans l’oreille d’un sourd.

Sax on the beach

Sébastien Texidor baigne depuis plus d’une trentaine d’années dans l’électro rock funk et le jazz, souvent calmant, toujours policé. Près d’une dizaine d’albums à son compte, il est également diffuseur sur une petite radio locale et a réalisé des refrains publicitaires pour de grands noms comme Renault et Ikea. Avec le confinement, il s’est senti l’obligation de participer à l’effort de guerre : sortir 30 minutes de pure détente à destination du monde. Il se décide cette fois de lorgner vers une neosoul et à aller sur les plates-bandes de cadors de la beach house comme Full Intention ou Richard Earnshaw. Un milieu où les français, d’ailleurs, ne semblent pas tant occuper le terrain, l’ayant laissé aux disciples de Mark Doyle. Pourtant, dès les premières notes de son nouvel EP, le fin connaisseur en house reconnaîtra la pâte irrésistible qui faisait les galettes du légendaire label Hed Kandi, à une époque où Grant Nelson et Axwell se croisaient sur des disques, mais avec un rythme beaucoup plus lounge que celui des clubs. La jaquette, simplette, avec ses couleurs et ses formes évoquant les lumières des terrasses bordant les palmiers, pose le cadre et viendra confirmer ce qu’il faut faire avec ce Groovy Time in a safe world : on est pas là pour penser, on est juste là pour chiller. Être relax, quoi…

Another World nous accueille comme il se doit. Entre les quelques notes de piano, la petite guitare électrique des autoroutes sur lesquelles on trace l’asphalte de nuit pour se diriger vers les vacances, et le saxophone comme promesse de soirées privées et des journées farniente en yacht, c’est la grosse vague. L’effet sur le corps est prodigieux : la peau se hâle, les muscles se bandent pour mieux se détendre. On sort de l’eau aussi à l’aise que Daniel Craig dans Casino Royale. Another World vous plonge dans le monde d’avant, un monde plus cool, où tout était moins prise de tête. S’il fallait faire une allégorie, les musiques de l’EP ressembleraient à un énorme hamac dans lequel on s’allongerait, ces balancelles des villas et bars branchés de la Côte d’Azur. Attention, pas ceux uniquement réservés à une élite mondaine, non, la musique de Sebteix est plus inclusive. Elle s’adresse à tout ceux voulant prendre du bon temps (famille, jeunes, vieux), avant de partir en festoche ou de retourner à la villégiature.  Que vous soyez en ce moment dans les bars les plus huppés de Nice ou sur une plage sauvage avec les copains copines, la musique et les paroles – pourtant très simples – de Sebteix résonnent comme une obligation à l’hédonisme : consumer la vie avant qu’elle vous consomme!

Compositeur avant tout, Sébastien a toujours concentrer son travail sur la musique, mettant un poing d’orgue sur les instruments et considérant involontairement – à tort, peut-être – la voix comme un outil comme un autre, si ce n’est mineur. Presque aucune de ces compositions en est pourvue, et quand cela l’était, ce n’était pas la sienne (comme l’excellent Funky Party, une production plus ancienne). Confinement oblige, il s’essaye au grand saut, en posant pour la première fois sa voix d’épicurien sur le climat évanescent de ces pistes, parfaites pour la fraîcheur des débuts de soirée succédant aux journées caniculaires.

Rest in peace

Là où cela pèche, c’est quand Sebteix se décide à scander des versets de hippie du piano-bar, presque un  brin new age. Have a Groove Time est la plus représentative. Les paroles, en plus d’être maigrelettes (ce qui n’est pas un défaut, le genre ne se prêtant pas à cela), ringardisent un peu le chic des compositions, excepté le très bon Another world. Même si, elle confère, en échange, un message altruiste résonnant particulièrement bien avec la période, sur la menace que constitue un monde hygiéniste, où les rapports sociaux se concentreraient en silo fermé, où l’art de la sociabilité, sur les plages ou dans les fêtes, se verrait délabrée! Nous n’irons pas jusqu’à dire que ce défaut devient un charme, car nous extrapolons un peu. C’est plus sa manière sa philo de vie dans sa musique qui semble intéressante en cette époque, sa démarche. Que l’on regrette le fait que d’autres voix auraient été préférables, on ne peut nier le fait que Sébastien Texidor semble un amour de gars, absolument sincère. Seibteix, c’est une sorte de Zaz du Nikki Beach, le Christophe Maé du bar Martinez.

Seibteix, c’est un peu le rêveur baba cool que l’on trouve avec sa guitare au fronton de la jetée, la journée, un peu éloigné des plages emplies de people, mais qui, venu le soir, enfile son costume pour se transformer en magicien de la bonne note. On appréciera les tambours de Give Me Your Soul, l’âme étant un passage obligé de toute funky house respectable. Mais plus encore, on applaudira, en laissant plus qu’un pourboire, On the Road Again. Sebteix a eu la bonne idée de s’entourer de Mauro Durão, excellent saxophoniste et joueur de clarinette, et atout charme de l’EP. L’homme est né dans un étui à saxophone, c’est indéniable! C’est probablement sa présence qui aura donner cette pâte de jazz brésilien à l’EP, pays musical par essence. Outre la ribambelle d’artistes ou groupe exotiques produits ou remixés par des pointures européennes et américaines du label électro anglais, On the Road Again fait plus que rappeler la Street Scene de St Germain, un des morceaux les plus fantastiques de l’électronique français.

Quant à Good Atome, revêtu à l’occasion de la sortie d’un clip ne montrant rien d’autre que ce que l’on demande en cette période estivale – des plages et des vagues – il se marierait parfaitement à l’arrivée du gratin encore calme, à l’heure à laquelle les robes et les nœuds papillon ne sont pas encore déboutonnés et froissés. Ne manque plus qu’une petite coupelle de champagne, et nous y sommes.

En filigrane, Groovy Time in a safe world doit se penser comme un vaccin anti-« peur du covid » sans aiguille ni antigène. Ce dont tout le monde devrait se sevrer. Sa musique est pleine d’aménité. Dans ses meilleures pistes, celles uniquement instrumentales, Sebteix accouche de pistes qui auraient leur place dans une compilation d’Hed Kandi. À mi-chemin de groupes comme Jazzanova, Jestofunk mais aussi ceux d’Isabel Fructuoso (Mambana, Afro Medusa), eux même dont la filiation remonte à ces groupes latinos de fusion et de bossa nova tels que DeodatoIrakere et Leonie Smith Danton, Sebteix vous offre avec cet EP une portion de tropique, un Sex on the Beach à boire près de la piscine. On se laisse mariner dans cette petite ode à la détente, pour mourir de soleil et en renaître tout rasséréné.

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