Certains auront beau faire la fine bouche : dix-sept ans après le deuxième volume, Bad Boys For Life, suite des aventures rocambolesques de Will Smith et Martin Lawrence, est une belle réussite d’humour et de cinéma pyrotechnique. La dynamique du film est bonne et, si elle n’égale pas en fraîcheur et en vivacité le feu d’artifices de vannes et de punchlines du premier volet, l’alchimie entre les deux comédiens fonctionne toujours. La réalisation est appliquée et les moyens mis sur la table pour faire croire aux invraisemblances du scénario sont suffisamment imposants pour qu’on marche pendant la majeure partie du film. La bande-son, dans le contexte du film, n’y est pas pour rien, même si, déjà, et malgré l’histoire au service de laquelle elle se présente, elle ne brille pas par sa subtilité.
La partie orchestrale a été confiée par les réalisateurs à l’Écossais Lorne Balfe. Pour dire la vérité, on ne se sentait pas trop d’évoquer le travail de celui-ci qui ne présente que rarement d’intérêt. Balfe est un émule de Hans Zimmer qui en a développé tous les travers : des scores très illustratives et concentrées sur le soulignement des « grands moments », des scènes d’action qui sont ponctuées d’explosions rythmiques et de séquences uptempo aux intentions wagnériennes. Le gaillard a fait du bon boulot (un peu plus en retenue) sur Mission Impossible : Fall Out et partagé les crédits avec Clint Mansell (un tout autre calibre) sur Ghost In The Shell. Ce sont pour le moment les deux partitions qu’on peut sauver chez lui, même si on ne connaît pas l’intégralité de ses travaux de stakhanoviste.
Ce qui nous intéresse sur ce blockbuster, c’est bien sûr la sélection de chansons que tout le monde entend et qui fait l’essentiel dans le film pour rythmer les efforts de Smith et Lawrence et conférer une patine sensuelle et latino à l’ensemble. N’y allons pas par quatre chemins : ce qui était soutenable dans le film et qu’on pouvait trouvait légitimement divertissant apparaît, une fois rassemblé sur un CD, à la fois vulgaire et d’assez piètre qualité mais aussi joyeusement bad ass et suffisamment foutraque pour qu’on s’en délecte. L’assemblage a été confié à DJ Khaled, autant dire une pointure en vogue et figure imposante du renouveau hip-hop américain. L’artiste d’origine palestinienne ami de Jay-Z, Justin Bieber et de tous les autres est la caution crunk roots de la compil ainsi que le pourvoyeur des meilleurs rappeurs qu’on retrouve ici (Rick Ross notamment qui l’accompagne depuis son premier album il y a dix ans). Pour le reste, la patte de DJ Khaled est peut-être plus marketing qu’artistique…
Cela démarre pas trop mal avec un Uptown II, œuvre de Meek Mill et Farruko, mi-hip hop mi brouet latino qui augure d’un métissage remuant et réussi. Le titre est dansant, le texte amusant et dégage une bonne énergie. Les City Girls enchaînent sur un Money Fight bien crade et poisseux, sexy et qui mouille autant la culotte qu’il remue du booty. On se dit que Bad Boys For Life a besoin de se replonger dans l’underground pour faire respirer son budget et qu’on risque de passer un bon moment en compagnie de grosses prostituées mexicaines fumeuses de crack. Les séquences hip-hop du disque sont les plus réussies et ramènent le film dans sa zone d’inconfort où les bandits sont vraiment méchants, la géographie interlope et le danger omniprésent. Future Bright (Rick Ross, toujours impeccable, et Bryson Tiller) est un morceau de très bonne facture, mêlant exploration des bas-fonds et perspectives de rédemption. C’est du bon rap de Los Angeles, avec des guns et des filles à l’arrière-plan, old school comme on s’y attend pour un tel film de vieillards. Bad Moves qui suit est encore meilleur : plus jeune, enlevé et superbement rappé. Le titre est signé DJ Durel, Quaro et surtout Rich The Kid, le jeune prodige du Queens (New York donc) dont on reparlera sûrement. On peut sauter une version piteuse du RITMO (Rythm of the Night) des Black Eyed Peas, doublée d’un remix encore plus atroce augmenté de séquences confiées à Jaden Smith, le fils de Will, ainsi que plusieurs scies latinos telles que Muevelo (Nicky Jam/Daddy Yankee), pour se concentrer sur le chouette Damn I Love Miami. On est ici sur un mélange de trap, de drum n bass vraiment dégueulasse et donc jouissif. C’est produit façon paillotte sur la plage, avec des voix merdiques à l’arrière-plan et une belle ambiance Pimp My Ride entretenue par Lil Jon et le petit cubain Pitbull à qui on devait avec J-Lo l’hymne de la Coupe du Monde de football 2014.
Comme dans toute initiative concernant Will Smith, Jaden a droit à son contrat dérivé pour une apparition assez pâlotte avec un The Hottest ennuyeux et sans âme. Heureusement que Buju Banton vient relever le niveau avec un ragga d’enfer sur Murda She Wrote. Libéré fin 2018 après quelques années passées en taule pour trafic de drogue, le bonhomme est revenu au premier plan l’an dernier avec un morceau anti-américain magnifique (Country For Sale) et devrait enchaîner très vite avec son premier album depuis une décennie.
Au final, on n’est tout de même pas assez convaincu pour vraiment recommander l’achat de cette compilation. Il faut vraiment être un fan hardcore de la série pour vouloir se refader cela plusieurs fois. Cela n’enlève rien à la bonne tenue d’ensemble, dans la série des bandes originales qui collent de près à leur sujet et qu’on écoute avec du pop-corn dans le caleçon. Il y a ici quelques morceaux qui valent le détour et qui, bien placés, en soirées avec des amis, peuvent aider à libérer le bad boy en vous avant une prise de drogue par le nez, une partouze en province ou une soirée tortilla.
02. Money Fight – City Girls
03. RITMO (Bad Boys For Life) – The Black Eyed Peas/ J. Balvin
04. Future Bright – Rick Ross/ Bryson Tiller
05. Bad Moves – DJ Durel/ Quavo/ Rich The Kid
06. Muevelo – Nicky Jam/ Daddy Yankee
07. Damn I Love Miami – Pitbull / Lil Jon
08. The Hottest – Jaden Smith
09. Murda She Wrote – Buju Banton
10. RITMO (Bad Boys for Life) Remix – Jaden Smith, Black Eyed Peas/ J. Balvin