L’album Don’t Look Down de Mr Lif qui sort ces jours-ci chez Modulor est probablement l’un des plus attendus de la planète hip-hop cette année. Successeur, plus de sept ans après, du splendide et combatif I Heard It Today, l’album (4ème du gaillard en solo) met en avant les qualités habituelles de Jeffrey Haynes (son vrai nom) : intelligence, qualités des textes, flow souple et relativement paisible, poésie urbaine. Sur Don’t look Down, on en reparlera peut-être ce qui intéresse bien entendu les amateurs d’intelligent hip-hop, c’est le nouveau concept-album servi par le rappeur de Boston. Rien de bien original ma foi mais une narration classique et tragique comme on les aime au travers laquelle Mr Lif se met dans les pas d’un jeune confronté aux vices du temps : la violence, l’appât du gain, l’amour et puis la chute…. avant la résilience tarte à la crème, la chenille qui redémarre façon Cyrulnik pour les nuls. Comme il se doit, le titre fait référence à cette idée selon laquelle il ne faut pas regarder en bas quand on tombe. C’est un peu cliché mais cela fonctionne toujours. L’album est clairement plus tranquille et moins violent que le précédent qui tapait sur tout ce qui bouge (et qui porte une casquette de police).
On ne va pas énumérer tout de suite la liste des featurings qui figurent sur l’album pour se concentrer sur le premier invité spécial du premier single : l’inénarrable et inarrêtable Del The Funky Homosapien. Si on ne l’a pas encore écrit ici, Del est notre « rappeur chouchou de tous les temps » (avec Mau de Earthling etc) et sa simple présence ici suffit à faire notre bonheur. Qu’on le prenne en solo ou en collaboration, le type est le meilleur pour raconter des histoires extravagantes et rapper avec l’élégance, la souplesse et la classe d’une panthère (noire ou bleue, peu importe). Même s’il a fait mieux que ce World Renown, un peu classique sur la forme (et qui tombe vers la fin du disque), cela n’en reste pas moins un morceau efficace : bien écrit, bien composé et parfaitement taillé pour les deux voix des deux hommes. L’album surprend un peu plus que ce premier single, confirmant la réputation de Mr Lif, l’ancien The Perceptionists (et que les amateurs mainstream ont pu croiser aussi ces dernières années chez Thievery Corporation), comme le gars le plus intelligemment politique de sa génération. Dommage que Del intervienne au moment où la vie du protagoniste se remet à l’endroit et pas quand sa vie part en sucette. On l’a toujours préféré en roue libre et sans laisse que bien discipliné. Plutôt que de s’enquiller des papiers foireux sur l’état de l’Amérique, Donald Trump(ette) et Hillary Clinton, on peut aussi écouter ce genre de types et en apprendre deux fois plus.